AFFAIRE SAKHRI : LE FILM DE XAVIER DELEU EN 2012 DISAIT DÉJÀ (PRESQUE) TOUT.

Grâce à Profession Gendarme, j’ai découvert il y a quatre jours l’ « affaire » qui s’est constituée depuis 12 ans autour de la mort controversée, à Lyon le 24 septembre 2012, d’une gendarme de 32 ans, Myriam Sakhri.

Sa famille n’a jamais accepté la conclusion de l’enquête initiale menée par l’IGGN : suicide pour raisons personnelles. L’avocat Me Vincent Brengarth représentera cette famille le 19 décembre 2023, lors d’une audience à la chambre criminelle de la Cour de cassation, pour savoir si un procès aura lieu pour « harcèlement moral » et « homicide involontaire ».

Après avoir lu une vingtaine d’articles et regardé trois reportages, je suis convaincue d’une chose : que la mort de Myriam Sakhri soit un suicide ou un meurtre, le principal responsable, moralement sinon pénalement, en est celui qui à l’époque était son supérieur hiérarchique, le colonel Xavier Guimard, commandant le Groupement de gendarmerie départemental du Rhône.

C’est encore grâce à Profession Gendarme que je peux citer l’identité de cet individu : vous lirez ci-dessous le courrier que l’avocat de X. Guimard a adressé, le 15 avril 2021, à Ronald Guillaumont, administrateur de Profession Gendarme…

Dans les événements vécus par Myriam Sakhri en 2010-2011, à partir de son affectation temporaire à la caserne Delfosse à Lyon, j’ai retrouvé tous les éléments du harcèlement moral, horizontal et vertical, que j’ai moi-même subi et combattu, en tant que professeure en Documentation dans l’académie de Reims, depuis le printemps 2016.

Le 30 avril 2012, Canal + avait diffusé un petit film (23mn) réalisé par Xavier Deleu, auteur de documentaires. Ce film est toujours disponible sur la plate-forme Dailymotion :

https://www.dailymotion.com/video/xqtw2p

Je viens de le publier sur ma chaîne Canal JAC-K (voir ci-dessous) avec une préface et une postface. Ce petit film disait déjà presque tout sur les propos racistes que Myriam Sakhri avait constatés chez certains gendarmes de la caserne Delfosse, et sur la discrimination raciale et le harcèlement moral qu’elle a subis, et combattus, en 2011. Le combat de sa famille pour que la vérité soit révélée et que justice soit rendu me touche et c’est pourquoi j’ai voulu publier cet article dans Profession Gendarme et vous inciter à regarder le film de Xavier Deleu. Ci-dessous, vous pourrez lire des extraits de 10 témoignages présentés dans le documentaire.

Lien vers la vidéo sur Canal JAC-K Odysee : https://odysee.com/@CanalJAC-K:8/CANALJAC-K–67:7 (voir la vidéo en fin de publication)

Extrait du courrier que Myriam Sakhri a adressé au colonel Xavier Guimard le 21 (ou 27) juin 2011 :

« Outre le fait que l’atmosphère soit tendue, je dois en plus supporter les réflexions racistes de certains personnels. Les mots  »Bougnoules, Boukak et Youpin » sont des termes récurrents. Des personnels se permettent de raccrocher au nez des usagers du service public en leur demandant de rappeler lorsqu’ils auront appris à parler le français. […] Un gendarme s’est même permis de m’injurier alors que je me trouvais dans la cour de la caserne devant trois autres militaires (dont l’Adj/C … de BR de LYON et Lieutenant … de la Compagnie de LYON.

[…] Les propos racistes et le harcèlement étant des délits et des principes contraires au code de déontologie de la gendarmerie, les personnels concernés s’exposent à un éventuel dépôt de plainte de ma part. N’étant néanmoins pas dupe des suites données à ce type d’affaire et n’ayant pas de volonté de tapage, je vous sollicite pour me détacher d’urgence dans un autre service car je suis arrivée aux termes du supportable. »

  • Émilie, gendarme et amie de Myriam : « Elle était dans la cour de la caserne, elle discutait avec deux autres personnes et une personne à l’étage l’a insultée, l’a traitée de ‘sale Arabe’. Le fait d’être une femme plus une femme d’origine étrangère, elle a subi du harcèlement moral et des remarques à caractère raciste qui étaient vraiment… assez récurrents. Dans cette histoire], la hiérarchie est lâche d’avoir rien fait et ils sont complices de ne rien avoir fait. Les fautifs sont restés en place et personne ne fait rien : tout le monde les connaît mais personne ne veut rien faire.» 
  • Gendarme démissionnaire anonyme, ayant exercé dans la caserne Delfosse à Lyon : « J’ai déjà entendu des réflexions de certaines personnes, certains gendarmes, qui étaient… choquantes… C’est déjà arrivé qu’ils sortent des  »bougnoules  » ou des  »macaques » : c’est des choses que j’ai apprises là-bas, je connaissais pas avant.  »Macaques » c’est une insulte envers les arabes. Il y en a 2 ou 3 là-bas, s’ils pouvaient mettre tous les étrangers à l’extérieur de la France, ils le feraient. Ils se feraient un grand plaisir, je pense. »
  • Un gendarme anonyme, collègue de Myriam : « Elle vivait un mal-être au niveau de cette unité où elle était : quand on insulte quelqu’un de  »sale Algérien » ou  »sale Arabe » ou  »retourne dans ton pays », alors qu’on est gendarme… Pour moi, Myriam était victime de harcèlement moral et d’une discrimination raciale. […] Savoir qu’une petite gendarme va déposer plainte contre des collègues et contre des gendarmes du même grade qu’elle pour des propos racistes, c’est vrai que ça a lancé un froid. Tout le monde a eu un petit peu peur. »
  • Sihem Souid, policière auteure de Omerta dans la police (2010), contactée en 2011 par Myriam Sakhri : « Elle m’a dit sur sa hiérarchie que c’était complètement l’omerta ; c’était l’application de la loi des 3 singes –  »Je ne dis, rien, je ne vois rien, je n’entends rien » – et que le devoir de réserve était au-dessus du devoir de dénonciation. Moi, je lui ai conseillé d’aller porter plainte au pénal, d’aller voir un avocat et de saisir le pénal. »
  • Me Sylvain Cormier, avocat lyonnais rencontré par Myriam Sakhri le 22 septembre 2011, deux jours avant sa mort : « J’avais en face de moi quelqu’un de posé, de résolu, de déterminée et de combative. [Mais] elle a des gens en face d’elle qui lui disent :  »Écoute, c’est choquant ce qui s’est passé mais je ne témoignerai pas : je suis gendarme, j’ai une carrière et je ne témoignerai pas. Donc, comment faire témoigner des gens qui ne veulent pas témoigner ? Et qui vivent le témoignage comme une attaque à leur institution, à leur corps d’appartenance, à leur hiérarchie. »
  • Alban Davat, gendarme en congé de maladie et ayant fait une tentative de suicide suite à du harcèlement : « Moi, j’avais prévenu Myriam. Je lui avais dit :  »Tu te lances dans une chose, tu vas à l’encontre de ta hiérarchie, même si tu as raison, tout sera mis en œuvre pour te déstabiliser et arriver à leurs fins. Jusqu’à la fin de ta carrière, tant qu’ils ne t’ont pas éradiquer d’une façon ou d’une autre, tu subiras. […]  Le fait qu’il y ait un dépôt de plainte, je pense que c’est vraiment du harcèlement qu’on a voulu lui faire. Du harcèlement, de la déstabilisation, un travail de sape. À longue échéance, on sait que ça va payer, qu’elle va craquer. On lui a mis des poids dans les poches et sur la tête pour qu’elle arrive à baisser la tête. Mais Myriam n’était pas du genre à baisser la tête. »
  • Colonel Xavier Guimard, au téléphone avec un journaliste (Xavier Deleu?) : « Depuis le départ finalement, on est parti de propos rapportés –  »On aurait dit que », « »On aurait dit que » – mais finalement il n’y a qu’un seul témoignage à la source de tout ça, c’est le témoignage de… de Sakhri. Oui d’accord mais derrière y rien et l’enquête l’a prouvé : y a RIEN. »
  • Me David Metaxas, avocat lyonnais : « On émet des doutes [sur l’enquête de gendarmerie] lorsqu’on voit que cette affaire met clairement en cause des autorités de gendarmerie et qu’en même temps cette enquête est menée par la gendarmerie : rien que organiquement parlant, il y a un problème. L’autorité qui est chargée de cette enquête n’est pas indépendante de l’autorité qui est mise en cause. Il y a un souci. Donc on remet tout en question et on va tout recommencer. »
  • Farida et Gérard Piégay : « La dernière conversation qu’on a eue avec elle montre dans quel état d’esprit elle était ; on peut pas croire à un suicide quand elle nous dit :  »Je ne lâcherai jamais l’affaire, je ne démissionnerai pas. » Et quand on lui demande si elle est menacée, elle nous dit  »Oui, je suis menacée » ». et quand vous apprenez sa mort quelques heures après, on peut pas croire à un suicide. »

Le courrier reçu par Profession-Gendarme :

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la vidéo sur Canal JAC-K Odysee : Par Jocelyne Chassard

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