Affaire Grégory : accusé par Murielle Bolle, le gendarme qui dirigeait l’enquête à l’époque lui répond
Dans son livre paru dimanche, Murielle Bolle, personnage clé de l’affaire Grégory, assure avoir « menti » durant sa garde à vue de 1984 sous la pression des gendarmes. Le capitaine Etienne Sesmat, en charge de l’enquête à l’époque, s’indigne d’être décrit comme un « tortionnaire » ou un « salaud ».
Murielle Bolle se confie à l’occasion de la sortie de son livre, mais elle n’a pas changé de version. (Capture d’écran/BFM)
« Nous, les gendarmes, sommes présentés comme des salauds, des tortionnaires! » Le ton est indigné ; les propos, ceux du capitaine de gendarmerie Etienne Sesmat, en charge de l’affaire Grégory dans les années 1980. L’homme, à la retraite, n’apprécie pas vraiment le contenu du livre de Murielle Bolle, à paraître jeudi, et il l’a fait savoir à L’Express. Dans celui-ci, Briser le silence, Murielle Bolle assure que les gendarmes lui ont mis la pression pendant sa fameuse garde à vue de 1984 et que c’est pour cette raison qu’elle a, dans un premier temps, raconté qu’elle avait vu l’enfant de 4 ans le jour de sa disparition dans la voiture de Bernard Laroche. Une version qu’elle nie depuis, assurant que ce jour-là, le 16 octobre 1984, elle a pris le bus pour rentrer de l’école.
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Murielle Bolle assure qu’en 1984, les gendarmes l’ont menacée
Elle décrit ainsi sa garde à vue, comme le rapporte le magazine :
- « Il y en a un [un gendarme, NDLR] qui se met à crier. Comme ça, tout d’un coup, il hurle et me traite de menteuse. Je sursaute, comme s’il m’avait giflée. »
- « ‘Tu iras en maison de correction si tu ne nous dis pas la vérité. Tu entends? Tu ne reverras pas ta maman avant ta majorité!’ Je me mets à pleurer. ‘Tu aimes ta maman?’ Tu ne veux pas la quitter? Bien sûr que j’aime maman. »
- « Je suis affalée sur ma chaise, sans force, comme un tas de vêtements fripés, et j’attends juste qu’ils me disent ce qu’il faut que je réponde. »
Elle précise encore, interrogée sur BFM mardi :
- « Les gendarmes m’ont menacée d’une maison de correction si je continuais à mentir. Ils m’ont dit que j’étais qu’une menteuse, que Bernard avait avoué qu’il était venu me chercher au collège. Il y en a un qui est rentré, il a tapé du poing sur la table en disant que j’étais la maîtresse de Bernard, que je couchais avec Bernard. Ça m’a fait très mal. Il a fallu que je passe un test chez le gynécologue pour savoir si j’étais vierge. »
Murielle Bolle dit encore avoir été « faible et impressionnée » par les gendarmes.
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Un non-lieu avait été prononcé à l’encontre des enquêteurs
Une version qui a indigné le gendarme à la retraite. Ce dernier rappelle notamment qu’en 1988, la justice s’est déjà prononcée sur les accusations portées par la jeune femme à l’encontre des enquêteurs et que ceux-ci ont bénéficié d’un non-lieu. « Murielle Bolle oublie d’écrire que nous avons été visés par une plainte et que nous avons obtenu un non lieu », a-t-il ainsi dit à L’Express. De même source, voici ce que dit l’ordonnance de non-lieu prononcée à l’époque :
- « Rien n’établit qu’au cours de son audition des 2 et 3 novembre 1984, Murielle Bolle ait été victime d’actes de subornation de la part des gendarmes enquêteurs. Au contraire, divers éléments du dossier font apparaître que son audition s’est passée dans un climat cordial et détendu. »
Le magazine précise encore que le médecin qui a examiné l’adolescente en garde à vue l’avait trouvée gaie et détendue. « Les gendarmes, c’est mes copains », lui aurait-elle même confié. Mais dans son livre, Murielle Bolle donne une toute autre version et assure par exemple avoir tenu ces propos sur les gendarmes pour ne pas décevoir son père.
Murielle Bolle énonce une contrevérité flagrante
Cette version de l’histoire – et le fait qu’elle maintienne ne pas être montée dans la voiture de Bernard Laroche ce jour-là et ne pas avoir vu le petit Grégory – a également fait réagir l’avocat des parents de l’enfant, maître Thierry Moser. « L’analyse objective et sérieuse des éléments du dossier permet à l’évidence d’affirmer que Murielle Bolle énonce une contrevérité flagrante lorsqu’elle prétend avoir subi des pressions imputables aux enquêteurs de la gendarmerie. Elle récite sans grande conviction une leçon apprise d’avance avec l’espoir d’égarer la justice. Ce comportement est d’autant plus choquant moralement qu’il s’agit d’élucider les causes et circonstances de l’assassinat d’un enfant », a-t-il ainsi commenté, également interrogé par L’Express.
Murielle Bolle accuse son cousin, sa tante Louisette et s’en prend aux parents de Grégory
Mais Murielle Bolle ne s’en prend pas qu’aux gendarmes. Son livre – et ses apparitions télé qui suivent – sonnent comme un véritable règlement de comptes, 34 ans après les faits. Sur BFM mardi, Murielle Bolle a ainsi également répondu à son cousin, qui assure qu’elle a bien été battue par sa famille au lendemain de ses aveux et dont le témoignage avait conduit à la mise en examen de Murielle Bolle en juin 2017 – mise en examen annulée depuis pour des raisons de forme -, ainsi qu’à sa tante Louisette, qui assure que l’adolescente s’était confiée auprès d’elle sur le soir de la disparition de Grégory :
- A son cousin : « Je sais pas pourquoi il a été raconté des conneries pareilles alors qu’il était pas là ce jour-là. »
- A sa tante Louisette : « Louisette, elle était un peu simple d’esprit. Ils ont pu lui faire dire. »
Elle ne ménage pas non plus les parents du petit Grégory, disant avoir de la « haine » pour eux. « Qu’ils arrêtent de s’acharner contre nous, on a rien à voir dans tout ça, qu’ils cherchent ailleurs », dit-elle ainsi.
Ses prochains rendez-vous avec la justice
Trois échéances juridiques sont désormais attendues dans ce dossier complexe :
- Le 16 novembre, le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur une éventuelle nullité de sa garde à vue de 1984, ses avocats arguant notamment du fait qu’elle n’ait pas bénéficié, à l’époque, de l’assistance d’un conseil.
- En janvier, la Cour de cassation rendra également sa décision, suite à celle du Conseil constitutionnel.
- Enfin, la chambre de l’instruction doit décider si elle prononce une nouvelle mise en examen à l’encontre de Murielle Bolle. Au moment de l’annulation de celle-ci, le parquet avait indiqué qu’il formulerait la demande au moment opportun, et avait également précisé que celle-ci était intervenue – et donc interviendrait, le cas échéant – en raison des nouveaux éléments disponibles (parmi lesquels le témoignage du cousin), et non pas du contenu de la garde à vue de 1984.
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