Affaire Benalla : règlement de comptes entre policiers mis en cause
INFO LE POINT. Les fonctionnaires qui ont aidé l’ex-chargé de mission de l’Élysée dans la tempête médiatique, à l’été 2018, se sont écharpés devant le juge.
Ils ont sorti le parapluie, mais les vents, contraires, risquent de tout emporter. Auditionné une première fois au début de l’affaire Benalla, Jean-Luc Minet, le commandant militaire en second de la présidence de la République, avait décrit sans s’attarder les « liens professionnels cordiaux » qu’il entretenait avec le chargé de mission de l’Élysée. Un an plus tard, les enquêteurs ont retrouvé des SMS effacés, et la vérité apparaît un peu différente.
« Prends le temps qu’il te faut pour préparer ta rencontre avec le patron et ressource-toi auprès des tiens et de tes amis », écrit-il par exemple, le 3 mai 2018, alors qu’Alexandre Benalla allait se voir infliger une suspension de 15 jours pour les violences commises le 1er mai. « Je n’oublie pas ce que tu as fait pour moi. Tu peux compter sur moi. Bizz », ajoute-t-il. Un mois et demi plus tard sortait l’article d’Ariane Chemin dans Le Monde, qui allait précipiter la chute du Monsieur Sécurité d’Emmanuel Macron.
« Je passerai entre les gouttes »
Ils sont nombreux aujourd’hui à s’être désintéressés du personnage. L’affaire a créé des remous, et on a longtemps cru que les têtes allaient tomber les unes après les autres à la préfecture de police de Paris. Ainsi, le 18 juillet 2018, lorsque les faits sont révélés par la presse, un commissaire divisionnaire de police fait suivre le lien de l’article du Monde à Maxence Creusat, le policier de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), qui sera bientôt soupçonné par la justice d’avoir remis les images de vidéosurveillance à Alexandre Benalla le soir de la publication du quotidien.
Sur WhatsApp, Creusat répond aussitôt à son ami commissaire : « Je passerai entre les gouttes. J’ai rien fait mais ça sent l’IGPN à plein nez. » « Alex n’est pas une balance, le rassure son camarade. Je viens de lui envoyer un message. Je pense que beaucoup vont lui tourner le dos. » Un peu plus tard, il ajoute : « C’est pas l’affaire du siècle, non plus… Certes, ça va grogner. Mais les Bleus et l’été vont éteindre ce feu de paille. »
Un an plus tard, l’affaire a au contraire pris de l’épaisseur, avec une instruction ouverte sur les violences du 1er, et une demi-douzaine d’enquêtes préliminaires, que le parquet – sensibilité des dossiers oblige – a préféré se garder sous le coude, plutôt que d’ouvrir des informations judiciaires confiées à des juges.
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L’exigence d’un écrit
Maxence Creusat, quant à lui, a été confronté cet été à son ancien supérieur, Laurent Simonin, ex-chef d’état major adjoint de la DOPC. Le jeune policier ne s’est pas démonté. Il a assuré que c’est bien lui qui avait appelé Simonin le jour de la sortie du Monde, et qu’il lui avait expliqué avoir toujours les images de la vidéosurveillance disculpant en partie Benalla : « Je lui ai dit : « J’ai toujours la vidéo PZVP [plan zonal de vidéoprotection, NDLR] montrant l’individu interpellé par M. Benalla en train de jeter un projectile. Ça pourrait intéresser l’Élysée puisque les faits tels que racontés par Mme Chemin sont parcellaires, incomplets et non objectifs. » »
Selon Creusat, il n’y aurait donc aucune ambiguïté possible sur l’origine des images transmises le 18 juillet au soir à Alexandre Benalla, qui étaient ensuite parvenues à Ismaël Emelien, le conseiller spécial d’Emmanuel Macron, avant d’arriver sur les réseaux sociaux… Des propos qui embarrassent fortement Laurent Simonin, lui qui a toujours nié avoir vu la vidéo de l’interpellation musclée d’Alexandre Benalla, avant de rédiger une note à destination de ses supérieurs, le 2 mai 2018.
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L’homme raconte ainsi que, dès le lendemain des faits, Alain Gibelin, à l’époque directeur de l’ordre public, lui avait commandé une fiche dans l’urgence pour en savoir plus sur ce qui s’était passé. Mais la note, intitulée « Présence d’un membre du cabinet du président de la République à la manifestation du 1er mai », n’était pas immédiatement remontée. « La commande était extrêmement rapide. À l’époque, M. Gibelin avait parlé d’affaire d’État et un écrit devait être produit. »
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L’affaire du selfie de Poitiers
Et Simonin d’accuser : « J’ai fait un premier exemplaire de la fiche qui avait été retoqué par M. Gibelin, car j’avais écrit qu’il était au courant de la présence de M. Benalla le 1er mai, suite à un déjeuner de travail qu’il avait eu avec lui le 25 avril. » Alain Gibelin a depuis été relevé de ses fonctions, à la suite, notamment, de problèmes de santé. L’affaire pourrait continuer à faire des émules dans la hiérarchie policière.
Alexandre Benalla, lui, a passé son été à lancer son entreprise de conseil en Afrique. Auditionné une nouvelle fois par la juge d’instruction au début de l’été sur l’affaire du selfie de Poitiers, il a répété que le glock qu’il pointe sur une serveuse (voir la photo sur Mediapart) n’était qu’un « pistolet à eau » apporté ce soir-là « par un membre du service d’ordre ». Les deux personnes visibles sur le selfie ont toutes les deux rejeté cette idée, la jugeant « complètement absurde ». L’un d’eux ajoutant même : « Nous ne sommes pas des enfants pour jouer avec un pistolet à eau. »
Source : Le Point
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