Affaire Benalla : « La crainte d’une justice aux ordres paraît devenir réalité »
Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur de droit public, conteste, dans une tribune au « Monde », la décision du procureur de la République de Paris de classer sans suite les poursuites contre trois collaborateurs d’Emmanuel Macron.
Tribune. Par une lettre du 27 juin adressée à Gérard Larcher, président du Sénat, et un communiqué de presse du même jour, le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, a informé de sa décision de classer sans suite les procédures engagées contre trois collaborateurs du président de la République. Il s’agissait de Patrick Strzoda (directeur de cabinet), d’Alexis Kohler (secrétaire général) et de Lionel Lavergne (chef du groupe de sécurité). Une enquête préliminaire avait été engagée du chef de « faux témoignage », après que le président du Sénat lui avait signalé, par une lettre du 27 mars, de telles suspicions lors d’auditions devant la commission d’enquête sénatoriale sur l’affaire Benalla.
Rappelons, d’une part, que les témoignages devant une commission d’enquête se font sous serment, en application de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, qui détermine le fonctionnement des commissions d’enquête. Un mensonge, fût-il par omission, est alors passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, en vertu de l’article 434-13 du code pénal, auquel renvoie ce même article 6. C’est ainsi que, le 9 novembre 2018, la cour d’appel de Paris a condamné, pour la première fois, le pneumologue Michel Aubier à 20 000 euros d’amende, pour ne pas avoir fait part de ses liens d’intérêts avec le groupe Total.
Précisons, d’autre part, que les poursuites et les éventuelles condamnations auxquelles peut donner lieu un faux témoignage ne sont pas diligentées par les parlementaires, dont ce ne serait nullement la mission, mais bien par l’autorité judiciaire et, plus précisément, par le parquet de Paris. Lorsqu’ils constatent ou soupçonnent une infraction (tel un faux témoignage), les parlementaires doivent alerter le parquet. Ce dernier peut alors diligenter une enquête et décider de l’opportunité des poursuites.
« Description incomplète »
Ainsi, le président Larcher a fait part de ses soupçons au procureur de la République, comme il en avait le devoir, et ce dernier a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire, puis, à son terme, de classer la procédure sans suite, comme il en avait le pouvoir. Jusqu’ici, rien d’anormal.
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