A une semaine de la sortie, l’exécutif joue à faire peur

1311148-10504105658jpgLe ministre de la Santé, Olivier Véran, et son homologue de l’Intérieur, Christophe Castaner, samedi à Paris. Photo François Mori. AFP

Face au risque de relâchement du confinement avant l’échéance du 11 mai, le gouvernement a multiplié les avertissements ce week-end, frôlant le chantage. Une façon de masquer les limites de sa propre préparation ?

Une semaine pour tenir les délais impartis par l’Elysée : le Premier ministre doit décider jeudi si la première étape du déconfinement aura bien lieu le 11 mai. Pour éviter que la population ne confonde «déconfinement» avec «retour aux jours d’avant», le gouvernement brandit la menace d’un «restez chez vous» qui peut durer. Et insiste lourdement sur les conditions à réunir pour autoriser les Français à sortir du confinement. «Notre civisme collectif, c’est notre survie collective», a répété ce week-end le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner. «Il faut faire peur pour que les gens restent tranquilles jusqu’au 11», résume un conseiller ministériel.

Boomerang

Dans une interview au Parisien dimanche, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a rappelé que «si le nombre de nouveaux malades devait être trop élevé, la date de lever du confinement pourrait être remise en question». L’exécutif se basera sur sa carte des départements actualisée chaque jour depuis jeudi. A l’Assemblée nationale, Edouard Philippe avait expliqué que la «stratégie nationale de déconfinement» était fondée sur «une hypothèse de 3 000 cas nouveaux par jour» d’ici le 11 mai. Il avait alors évoqué des «modélisations moins favorables», allumant la mèche d’un éventuel report du déconfinement.

Le facteur de reproduction du virus – le «R0» – est reparti à la hausse ces derniers jours. «Nous avons un élément objectif qui montre que le taux de contagiosité a très légèrement remonté, a confirmé dimanche Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, sur France Inter. Cela montre qu’il y a eu plus de sorties. […] C’est la raison de cet appel pour continuer ensemble à faire en sorte qu’il y ait le moins de contacts possible et à respecter le confinement.» Autrement dit, lutter «contre les risques de relâchement». Des appels à la «responsabilité» frôlant parfois l’infantilisation et le chantage. Les vacances d’été ? «Elles dépendront des efforts des uns et des autres», pour le secrétaire d’Etat Jean-Baptiste Lemoyne. «En l’absence de traitement et de vaccin, le comportement des Français va avoir un poids considérable» sur le déroulement des congés d’été, confirme Véran dans le Parisien.

A trop faire porter la responsabilité du déconfinement sur le dos de la population, le gouvernement risque de se prendre en boomerang le choix trop rapide du 11 mai ainsi que ses propres limites en termes de préparation. «Il y aura […] assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai», a promis Edouard Philippe la semaine dernière, fixant par ailleurs à 700 000 l’objectif de tests virologiques par semaine.

«Brigades»

Côté masques, le gouvernement se retrouve pris dans une énième polémique, avec leur apparition dès ce lundi dans les grandes surfaces à l’heure où les praticiens hospitaliers en manquent toujours. Quant aux tests, «l’idée selon laquelle on manquerait de bras pour les effectuer revient régulièrement dans la bouche d’experts», rapporte un autre conseiller. Difficulté à se procurer des masques et tests mal embarqués : voilà deux éléments du triptyque du déconfinement d’Edouard Philippe – «protéger, tester, isoler» – qui posent déjà question. L’isolement des personnes testées positives dépend, lui, de l’efficacité des futures «brigades» chargées de remonter les chaînes de contamination qui seront mises en place par l’assurance maladie et de la bonne utilisation de nouveaux fichiers qui interrogent sur le respect du secret médical.

A mesure que le 11 mai approchera, le gouvernement se retrouvera contraint de justifier son choix de rouvrir les écoles dans des conditions où la pédagogie n’est plus la priorité, alors que la plupart des pays voisins de la France ont choisi d’attendre septembre. Si le télétravail reste la règle, le ministère de Muriel Pénicaud a transmis aux entreprises un vade-mecum imposant les procédures sanitaires à suivre : minimum de 4 m2pour un espace de travail, pas plus de deux dans un ascenseur de 8 m2… De quoi rendre compliqué le retour au bureau. «Qu’il y ait des interrogations d’ici le 11 mai, je veux bien le croire, fait valoir l’entourage d’un ministre. Mais je doute que la date bouge. Quoiqu’il arrive, lundi, il y aura quelque chose.»

Lilian Alemagna

Source : Libération

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