À Brest, le propriétaire détruit son logement pour faire fuir ses squatteurs

Par Stéphane Jézéquel

Le 24 octobre 2024 à 09h15, modifié le 24 octobre 2024 à 11h58

Pour expulser les squatteurs de son logement, à Brest, un propriétaire est venu détruire l’intérieur de son habitation à coups de masse, en leur absence. Aucune plainte n’est déposée contre lui mais la Ligue des droits de l’Homme s’insurge.

L’immeuble de la rue François-Cordon, dans le quartier de Saint-Pierre à Brest, est squatté depuis six ans par des familles roumaines qui occupent le logement sans contrat ni autorisation du propriétaire. Celui-ci a profité de leur absence pour venir tout détruire à l’intérieur et rendre son logement inhabitable. (Le Télégramme/Stéphane Jézéquel)

La scène s’est produite le samedi 12 octobre 2024, dans le quartier de Saint-Pierre, à Brest, sous les yeux de quelques voisins. Au moins deux hommes ont attaqué, à l’aide de masses et de barres à mine, l’intérieur d’un petit immeuble de deux étages. À la manœuvre, le propriétaire d’un logement acheté en 2021 mais qu’il n’a jamais occupé puisque jugé insalubre, mais surtout occupé par deux familles roumaines « depuis plus de six ans ».

Les coups ont fait sauter une partie du plancher du premier étage, entièrement détruit l’escalier, les réseaux, d’eau et d’électricité et certains murs du rez-de-chaussée. « Je n’avais pas d’autre solution », veut justifier le propriétaire. « Je passe devant tous les jours et je me suis aperçu qu’il n’y avait personne. J’ai donc écarté leurs affaires et commencé les travaux. »

« Nous étions partis en Roumanie pour l’enterrement de notre patriarche », explique l’une des femmes résidant à cette adresse. « On a retrouvé une partie de nos affaires sur la rue ».

2 000 euros pour quitter les lieux

L’artisan brestois assure qu’il n’a pas agi sur « un coup de sang ». Il a porté plainte dès novembre 2023, au commissariat de Brest, où une enquête a bien été ouverte. Il a également tenté de résoudre l’affaire à l’amiable : « Les squatteurs étaient d’accord de quitter les lieux en échange d’une enveloppe de 2 000 euros. Mais lorsque je me suis présenté pour les payer et récupérer mon logement, la somme n’était plus suffisante et ils étaient de plus en plus nombreux sur place à me dire qu’ils étaient chez eux ! ».

Car le propriétaire assure que le rez-de-chaussée de son habitation faisait régulièrement l’objet d’une sous-location, d’une famille roumaine à une autre famille roumaine. Location que confirme la première famille. « Ces familles ont déjà squatté trois ou quatre autres logements dans le quartier et même dans la rue et personne ne fait rien ! », déplore-t-il.

Factures EDF au nom des « squatteurs »

Lorsque la situation s’est envenimée, les familles ont brandi leurs factures EDF et de téléphone, comme autant de justificatifs de domicile. EDF confirme qu’il suffit de produire un nom et une adresse précise, un numéro de téléphone voire un mail pour disposer de l’ouverture d’une ligne électrique. L’entreprise précise ne pas être habilitée à vérifier les informations transmises.

Face à ces justificatifs, les policiers auraient tourné les talons, déplore le propriétaire. « Ils n’avaient pas de raison d’intervenir », corrige, au parquet de Brest, Camille Miansoni : « La plainte pour violation de domicile a été classée sans suite. Le requérant a admis lui-même que l’immeuble était occupé lorsqu’il l’a acheté, et qu’il n’avait entrepris aucune démarche au moment du rachat. Il n’y a donc pas de violation de domicile, ni de litige de nature pénale », expose le procureur de Brest.

De son côté, la Ville de Brest confirme que l’on peut tout à fait effectuer l’acquisition d’un logement déjà squatté, « à charge au nouveau propriétaire d’engager les procédures pour disposer de son bien ». « Procédures civiles », précise le procureur.

Les familles abritées en urgence

Les deux familles évacuées, soit neuf personnes, dont cinq enfants âgés de deux à treize ans, sont connues et suivies respectivement des services sociaux de la Ville et du Département, qui assurent au Télégramme travailler à une solution de prise en charge ou de relogement.

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Impossible de rester vivre dans le logement dont l’intérieur a été détruit par son propriétaire qui ne trouvait pas d’autres solutions pour faire partir les squatters.
Impossible de rester vivre dans le logement dont l’intérieur a été détruit par son propriétaire qui ne trouvait pas d’autres solutions pour faire partir les squatters. (Le Télégramme/Stéphane Jézéquel)

Plusieurs associations brestoises sont également venues en soutien aux deux familles, ces derniers jours. « On ne peut pas se faire justice soi-même. Il y a des procédures d’expulsion cadrées légalement qui doivent être respectées », assure ainsi Olivier Cuzon, pour la Ligue des droits de l’Homme, qui déplore que les institutions responsables de l’hébergement d’urgence n’aient encore « rien proposé » aux familles mises à la rue. Selon nos informations, elles ont été mises à l’abri dans l’urgence, et de façon temporaire, grâce à la solidarité de leur voisinage.

« Même avant que je le casse, ce logement était insalubre et présentait des risques de sécurité et pour la santé », justifie, de son côté, le propriétaire du bâtiment, qui assure qu’il est régulièrement rappelé à l’ordre par les riverains et les services municipaux pour la saleté sur le trottoir et les risques d’effondrement d’un mur. « J’espère sincèrement qu’ils trouveront à se reloger mais pas chez moi ! »

Source : Le Télégramme

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