La mise en examen d’Agnès Buzyn par la CJR inquiète la majorité à quelques mois de la présidentielle
L’ex-ministre de la santé a été mise en examen par la Cour de justice de la République pour « mise en danger de la vie d’autrui », dans le cadre de l’enquête sur la gestion de la pandémie de Covid-19.
Au terme d’une journée d’audition par trois juges d’instruction, la Cour de justice de la République (CJR) a mis en examen, vendredi 10 septembre, l’ancienne ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, pour « mise en danger de la vie d’autrui », du fait de sa gestion de la crise sanitaire liée au coronavirus. Elle est également placée sous le statut de témoin assisté pour un autre chef, celui « d’abstention volontaire de combattre un sinistre ».
Seule instance habilitée à juger des ministres pour les faits accomplis durant leur mandat, la CJR enquête depuis juillet 2020 sur la gestion de la crise sanitaire due au Covid-19. L’institution a été saisie de milliers de plaintes – soit 14 500, selon le décompte du procureur général près de la Cour de cassation, François Molins. Pour beaucoup, elles sont issues de formulaires types proposés en ligne par des avocats opposés à la gestion de la crise sanitaire, parmi lesquels le contesté Me Fabrice Di Vizio. Seize ont toutefois été jugées recevables ; elles portent notamment sur le manque d’équipements pour les soignants ou sur les errances du pouvoir concernant l’obligation du port du masque. Lire aussi Coronavirus, « mascarade » et « grippette » : la mémoire sélective d’Agnès Buzyn
Désormais représentante de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Agnès Buzyn, 58 ans, était ministre des solidarités et de la santé de 2017 à février 2020, date à laquelle – alors que la pandémie inquiétait le monde entier – elle a quitté son poste pour briguer, sans succès, la Mairie de Paris.
En juin 2020, elle avait fait scandale en expliquant au Monde : « Quand j’ai quitté le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous. (…) Depuis le début [de la campagne municipale], je ne pensais qu’à une seule chose : au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade. » Une déclaration qui allait à l’encontre de ses prises de position publiques. Avant sa démission, elle avait en effet évoqué des « risques très faibles » de propagation massive du Covid-19.
D’autres convocations possibles
Agnès Buzyn est mise en cause sur la foi d’un décret qu’elle avait elle-même signé en mai 2017, et qui précise que « le ministre des solidarités et de la santé élabore et met en œuvre (…) les règles relatives à la politique de protection de la santé contre les divers risques susceptibles de l’affecter ».
Depuis 2020, des perquisitions ont eu lieu, ciblant l’ancienne ministre, mais également son successeur, Olivier Véran, ou l’ancien chef du gouvernement Edouard Philippe. D’autres convocations devant la CJR pourraient viser les deux hommes, mais aussi d’autres membres de l’exécutif, en fonction ou non. Reste à savoir si cet agenda judiciaire aura des conséquences politiques pour Emmanuel Macron, alors que ce dernier semble prêt à briguer sa réélection au printemps 2022
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Source : Youtube
Covid-19 : Agnès Buzyn mise en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui » pour sa gestion de l’épidémie
La décision de la Cour de justice de la République concernant l’ex-ministre de la santé pourrait être suivie par d’autres convocations visant des membres actuels ou passés du gouvernement.
C’est une première judiciaire concernant la gestion gouvernementale de l’épidémie de Covid-19. L’ex-ministre de la santé Agnès Buzyn a été mise en examen vendredi 10 septembre pour « mise en danger de la vie d’autrui »à l’issue de son audition par des magistrats de la Cour de justice de la République (CJR), qui enquête sur la gestion de l’épidémie de Covid-19, a-t-on appris du parquet général de la CJR.
Première personnalité à être mise en cause dans ce vaste dossier, Mme Buzyn a par ailleurs été placée sous le statut plus favorable de témoin assisté pour « abstention volontaire de combattre un sinistre », a précisé la même source.
Elle était arrivée peu avant 9 heures à la CJR, seule habilitée à juger des ministres dans l’exercice de leurs fonctions, qui enquête sur la gestion de l’épidémie depuis juillet 2020. « Aujourd’hui, c’est une excellente opportunité pour moi de m’expliquer et de rétablir la vérité des faits. Je ne laisserai pas salir l’action du gouvernement, mon action en tant que ministre, alors que nous avons fait tant pour préparer notre pays à une crise sanitaire mondiale, qui, je le rappelle, dure encore », avait-elle déclaré alors à la nuée de journalistes présents, accompagnée de son avocat Me Eric Dezeuze.
A l’issue de son audition, Mme Buzyn pouvait soit être mise en examen, soit ressortir sous le statut plus favorable de témoin assisté, si elle parvenait à convaincre les juges qu’il n’existait pas suffisamment d’indices graves ou concordants qui puissent être retenus contre elle.
La mise en examen de Mme Buzyn est la première dans ce vaste dossier consacré à la manière – critiquée encore aujourd’hui – dont les autorités françaises ont anticipé, puis géré quotidiennement, l’épidémie de Covid-19, qui a fait au moins 115 000 morts dans le pays, selon Santé publique France.
Au tout début 2020, Mme Buzyn occupait un rôle central, à la tête du ministère de la santé (mai 2017-février 2020). Alors que le monde commençait à prendre peur après les informations alarmantes venant de Wuhan, en Chine, celle qui est hématologue de formation avait pris la parole à l’Elysée le 24 janvier 2020 pour dire : « Les risques de propagation du coronavirus dans la population sont très faibles. » Avant de préciser que cette analyse pouvait « évoluer ». A la mi-février, elle était remplacée par Olivier Véran, à la suite de sa décision de quitter le gouvernement pour briguer la Mairie de Paris.
« On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade »
Mais quelques jours après sa défaite électorale, alors que la France se confinait, elle provoquait un tollé en disant dans Le Monde du 17 mars 2020 : « Quand j’ai quitté le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous. » « Depuis le début je ne pensais qu’à une seule chose : au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade », avait-elle encore dit au Monde, au sujet du processus électoral. Lire le récit : Les regrets d’Agnès Buzyn : « On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade »
Des propos confirmés en juin 2020 devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la gestion de la crise sanitaire : elle avait expliqué avoir alerté l’Elysée et Matignon en janvier sur le « danger » potentiel du coronavirus.
Depuis, la CJR, seule institution habilitée à juger des ministres en exercice, a reçu de nombreuses plaintes liées au Covid-19, « 14 500 », selon le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, mercredi.
Manque d’équipements de protection pour les soignants et pour la population, errements sur la nécessité ou non de porter des masques, etc. Neuf de ces plaintes ont été jugées recevables par la commission des requêtes de la CJR, qui fait office de filtre, et ont permis l’ouverture d’une enquête en juillet 2020. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La gestion gouvernementale de la crise sanitaire bientôt au cœur d’une enquête judiciaire
Depuis, d’autres plaintes ont été jugées recevables et jointes à l’enquête, tandis que des perquisitions ont été menées à la mi-octobre 2020 par les enquêteurs de l’Oclaesp (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique) et de l’Oclciff (Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales).
Auditions à venir
Ces perquisitions ont visé les domiciles et bureaux du ministre de la santé, Olivier Véran, de l’ex-premier ministre Edouard Philippe, de Mme Buzyn et d’une autre ancienne membre du gouvernement, Sibeth Ndiaye, mais aussi du directeur général de la santé, Jérôme Salomon, et de la directrice générale de Santé publique France, Geneviève Chêne. La commission d’instruction de la CJR a ouvert son enquête sur l’infraction d’« abstention de combattre un sinistre ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Gestion du Covid-19 : des perquisitions pour vérifier que tout a été fait pour lutter contre l’épidémie
Ce développement majeur pourrait être suivi par d’autres convocations visant des membres actuels ou passés de l’exécutif, parmi lesquels Olivier Véran ou Edouard Philippe, et avoir d’importantes conséquences politiques pour la majorité alors qu’Emmanuel Macron pourrait briguer sa réélection au printemps 2022.
Interrogé jeudi au sujet de la convocation d’Agnès Buzyn, Jean Castex a répondu qu’« un chef de gouvernement ne peut pas commenter un processus judiciaire en cours ». « Il faut à tout prix éviter (…) que la paralysie guette l’action des pouvoirs publics au moment ou au contraire on a besoin des décisions pour faire face à des crises », a cependant ajouté le premier ministre, considérant que Mme Buzyn avaient « pris les décisions que les circonstances lui commandaient de prendre ».
Sur Twitter, la présidente déléguée du parti présidentiel Aurore Bergé a estimé que la mise en examen de Mme Buzyn créait « un précédent dangereux ». « Si demain un ministre peut être mis en examen pour ce qu’il n’aurait pas fait, pas assez fait, ou mal fait alors qui qualifie le “mal” fait ? Quand ? Sur quels critères d’appréciation ? », a-t-elle écrit. « Maintenant, au suivant ! », a quant à lui réagi Florian Philippot, chef de file des Patriotes et ancien numéro deux du Front national.
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Source : Le Monde
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