Christian Perronne : « Les tirs de barrage reçus par Didier Raoult sont aussi liés à des querelles d’égos »

"Quand nous finirons par réagir, car nous réagirons, c'est inévitable, nous serons pris au dépourvu."

« Quand nous finirons par réagir, car nous réagirons, c’est inévitable, nous serons pris au dépourvu. » – © Bruno Coutier
Le professeur Christian Perronne estime que les hésitations du gouvernement et des experts médicaux concernant l’hydroxychloroquine et le protocole du professeur Raoult nous conduisent à commettre une grave erreur. Entretien.

Le professeur Christian Perronne est chef du service infectiologie de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches. Spécialiste de la maladie de Lyme, il a été président de la commission spécialisée maladies transmissibles du Haut Conseil de la santé publique. Il est aussi coresponsable des cours en maladies infectieuses et tropicales pour l’université de Versailles-Saint-Quentin, et membre de l’OMS. Il s’inscrit en faux contre ce qu’il considère comme une vision erronée de la médecine de la part des experts médicaux ayant critiqué la méthodologie des essais du Professeur Raoult sur l’hydroxychloroquine. De même, il revient sur les suspicions concernant les effets secondaires de ce médicament, qu’il juge disproportionnées au vu de sa connaissance personnelle de ce dernier.


Marianne : Pourquoi avoir pris position en faveur du professeur Didier Raoult et de ses essais cliniques sur l’hydroxychloroquine, au moment où nombre d’experts médicaux entendent rester prudents ?

Christian Perronne : Je suis un scientifique pragmatique. Et cela me désole de voir l’ampleur qu’a pris, en France, l’esprit des statistiques sur le véritable esprit de la médecine. Il consiste à laisser penser que la médecine ne procède que de chiffres, de tirages au sort, d’équations… Cela est efficient lorsqu’on peut procéder sur le long terme, mais devient totalement inopérant dans certains secteurs de la médecine, comme celui des maladies rares.

Il est consternant de constater que dans la médecine actuelle la démarche empirique puisse être méprisée, sous prétexte qu’on n’ait pas recouru à des tests en randomisation avec tirage au sort. Ce qui est impossible actuellement, alors que nous sommes dans une situation d’urgence, une crise sanitaire comme nous n’en avons pas connue depuis un siècle. En cela nous nous devons plutôt de considérer une méthode de « médecine de guerre », bien loin des préceptes méthodologiques que prêchent les experts médicaux.

Certains relèvent tout de même des problèmes méthodologiques dans le premier essai clinique de Didier Raoult… La méthodologie du test européen « Discovery » en cours n’est-elle pas meilleure ?

Reprenons quelque peu. Avant la publication des études de Didier Raoult, des études chinoises avaient déjà relevé les vertus de la chloroquine pour baisser la charge virale du coronavirus, ce que de nombreux experts chinois ont pu confirmer depuis. Comme ce fut le cas dans une étude ce mardi, qui valide le protocole de Didier Raoult en montrant que l’hydroxychloroquine améliore l’état des patients en début d’infection.

Il semble que cela en dérange beaucoup de voir que le protocole marseillais fonctionne.

On a critiqué Didier Raoult après sa première étude, dont il a révélé les résultats le 16 mars dernier, car il n’avait pas 500 malades et un test en double aveugle disponible sous la main. Mais, en réalité, nul besoin de 300 malades pour démontrer que la charge virale baisse. Si l’on sait des médecins chinois que le virus peut persister jusqu’à trois semaines d’une part, et que le protocole du professeur Raoult diminue la charge virale au bout de quelques jours d’autre part, nous nous devons d’avancer sur la base du succès de ce protocole. Mais cela en dérange beaucoup de voir que le protocole marseillais fonctionne. Ce qui n’empêche pas d’évaluer le protocole par la suite, avec la méthode de long terme qui convient.

Quant au test « Discovery », il ne prend pas en compte le protocole du professeur Raoult (hydroxychloroquine et azithromycine dès l’apparition des premiers symptômes), mais uniquement l’hydroxychloroquine, et ce sur des cas dans des situations de pathologies aggravées. Pour cela, ce test fait preuve d’absence d’éthique. On leur dit qu’ils vont être tirés au sort, et éventuellement ne pas être traités, tout en connaissant très bien les chiffres de mortalité élevés de cette maladie.

Les autorités sanitaires mettent par ailleurs en garde contre les effets secondaires de ce médicament…

 

C’est intellectuellement malhonnête. Ce médicament était en vente libre depuis plus de cinquante ans jusqu’au mois de janvier. Il n’avait fait l’objet d’aucun signal d’alerte de pharmacovigilance. Je le prescris moi-même depuis vingt ans, et n’ai jamais rencontré aucun problème à son sujet. Il a des effets secondaires bien connus, c’est vrai. Il faut être prudent, notamment avec les personnes cardiaques, et plus spécifiquement les personnes âgées prenant simultanément plusieurs médicaments. Ce traitement doit être pris sous surveillance médicale en respectant la dose. Quant aux problèmes rétiniens, ils ne peuvent survenir qu’après avoir pris des doses très fortes pendant plusieurs années. Mais, de toute façon, les prescriptions du protocole de Didier Raoult ne concernent que quelques jours pendant lesquels on peut facilement surveiller les patients.

On assiste à une multiplication imaginaire du nombre d’effets secondaires depuis huit jours…

On constate surtout un gros problème médiatique et de nombreux fantasmes concernant la question de ces effets secondaires. On a quasiment dit, par exemple, qu’un Américain était mort à cause du médicament… alors que ce dernier, n’ayant pas réussi à se le procurer, a avalé une cuillère à café de phosphate de chloroquine, d’un produit pour nettoyer son aquarium. Aucun rapport, donc. On assiste à une multiplication imaginaire du nombre d’effets secondaires depuis huit jours… Cela est surtout lié à des problèmes d’égo du côté des experts médicaux.

Qu’entendez-vous par là ?

La chloroquine ne coûte pas cher, est un vieil anti-paludique, tombe comme un cheveu sur la soupe pour soigner une telle maladie virale : ne serait-ce pas un peu dérangeant pour nos amis virologues ? Oui, je formule l’idée que les tirs de barrage reçus par Didier Raoult sont aussi liés à des querelles d’égos, à son caractère iconoclaste et à son déficit d’académisme pour les « experts » médicaux parisiens, qui voient cela comme une atteinte manifeste à leur pré carré et à leurs dogmes. Dans cette situation de guerre, ces postures ne sont pas acceptables.

Nous ? Quand nous finirons par réagir, car nous réagirons, c’est inévitable, nous serons pris au dépourvu.

Le gouvernement pouvait-il faire autrement ?

Dans certaines régions, notamment aux États-Unis, les médecins se sont rendu compte qu’en donnant le médicament et en traitant suffisamment tôt, ils avaient à faire face à beaucoup moins d’hospitalisations. Un grand nombre de pays y recourt désormais. En Italie, tous les médecins généralistes ont désormais la possibilité de traiter avec ce médicament leurs patients, même avec des signes débutants. L’administration américaine a elle aussi tergiversé, avant de donner son feu vert ce dimanche. D’autant que les États-Unis sont en train de faire main basse sur les stocks mondiaux depuis des semaines.

Nous ? Quand nous finirons par réagir, car nous réagirons, c’est inévitable, nous serons pris au dépourvu. Car Sanofi ne pourra pas produire en quelques jours des doses pour l’ensemble du pays… Et le marché international aura été raflé. Le même épisode auquel nous assistons aujourd’hui avec les masques. Je ne comprends pas cette imprévision, qui pour moi est totale.

Nous avions des indices sous les yeux depuis des semaines…

L’exemple de l’hésitation de notre gouvernement sur l’encadrement de l’hydroxychloroquine le montre. La position officielle consiste à expliquer qu’il faut l’utiliser uniquement dans les formes désespérées, sauf que le professeur Raoult dit l’inverse : il faut commencer dès les premiers symptômes, et éviter que la maladie ne bascule subitement dans des formes graves.

Nous avions des indices sous les yeux depuis des semaines… Et même si ce sont des indices, gouverner c’est prévoir. Et il fallait prévoir que cela pourrait marcher. D’autant que ce médicament ne coûte pas cher, que nous avons Sanofi à disposition pour le produire… Pourquoi aucun ordre n’est-il venu pour enjoindre ce groupe à produire ? Nous sommes désormais à 500 morts par jour. Combien de milliers de morts ce gouvernement aura-t-il sur la conscience ? Mais qui les conseille ? C’est révoltant.

Source : Marianne


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