Commercy: le maire fait détruire la cabane des gilets jaunes
Trois jours après l’organisation par les gilets jaunes d’un référendum citoyen local, le maire divers droite de Commercy (Meuse) a fait détruire leur cabane, appelée « chalet de la solidarité ». Installée sur une grande place en plein centre-ville, elle était devenue le lieu emblématique où se construisait une nouvelle démocratie directe.
Cela n’a pas traîné. Dimanche 10 mars, le groupe des gilets jaunes de Commercy, qui en janvier avait organisé l’Assemblée des assemblées, a tenu un premier référendum d’initiative citoyenne (RIC) sur des questions locales.
Deux questions : pour ou contre le maintien de la cabane des gilets jaunes place Charles de Gaulle ? Pour ou contre une plus forte participation des habitants aux décisions qui concernent la commune (exemple : venue d’un McDonald’s, construction d’un centre nautique de 12 millions d’euros) ? Réponses sans appel : sur près de 600 votes (sur environ 3 500 électeurs inscrits sur la ville), 534 se prononçaient pour le maintien de la cabane et presque autant pour une plus grande implication des habitants dans les choix affectant leur ville (le détail du dépouillement est à voir ici).
À Commercy, destruction de la cabane le 13 mars. © (dr)
Trois jours plus tard, ce mercredi 13 mars, la mairie décidait de faire détruire par ses services la fameuse cabane, qui était devenue un lieu permanent de débats. Le maire Jérôme Lefebvre (divers droite) a même participé à cette destruction, en présence de forces de l’ordre et du sous-préfet de la Meuse (voir la vidéo ici). À deux jours de la fin du « grand débat national », il est donc clairement signifié que le temps est venu que chacun rentre chez soi.
« Le maire de Commercy s’enfonce dans la violence antidémocratique, écrivent les gilets jaunes dans un communiqué sur leur page Facebook. En détruisant ce symbole de la lutte populaire et de la solidarité, le maire de Commercy s’affiche dans la droite ligne du gouvernement Macron. Un autoritarisme borné, une absence totale de considération pour la souffrance du peuple. Face à ces despotes, une seule solution, continuer le mouvement et le renforcer. D’une manière ou d’une autre nous sommes là et y resterons. De toute façon, notre cabane est toujours debout dans nos cœurs. La souffrance la colère et la solidarité lui servent de murs. Stop aux injustices ! Stop aux violences d’État ! Stop au mépris des élus ! Vive l’assemblée populaire ! »
Les gilets jaunes, qui appelaient ce mercredi à 19 heures à un rassemblement place Charles de Gaulle, notent que cette cabane, construite dès novembre dernier, était devenue « un lieu de cohésion sociale, un lieu où la parole se libère, un lieu où nous avons imaginé un autre lendemain ». C’est fin janvier, après l’organisation de l’Assemblée des assemblées qui avait réuni 70 délégations venues de la France entière (notre reportage ici), que le maire de Commercy avait fait connaître son intention de démolir la cabane, lors d’une rencontre avec une délégation des gilets jaunes.
Ces derniers avaient alors demandé un débat public avec les habitants (voir ici leur vidéo). « Ce n’est pas les Commerciens qui décident », avait répondu le maire à la délégation. D’où la préparation durant trois semaines de ce référendum local. « Nous avons organisé des réunions dans plusieurs quartiers, nous avons fait du porte-à-porte dans un premier temps pour avoir 10 % du corps électoral favorable à un RIC local. Nous avons continué à enregistrer les doléances des uns et des autres. Puis nous avons organisé le référendum, où seuls les habitants majeurs de Commercy pouvaient voter », raconte l’un des membres du groupe, soucieux de mettre en place un scrutin incontestable.
Depuis novembre dernier, les gilets jaunes de Commercy se sont distingués par l’expérimentation de nouveaux modes de décision et de représentation (lire notre reportage ici) : création d’une assemblée populaire citoyenne, parité systématique, représentant·e·s tournant·e·s, vote pour toutes les décisions. Cet apprentissage de la démocratie directe et les appels nationaux lancés par le groupe ont eu un écho national. Le groupe de Commercy est devenu un modèle pour de nombreux autres.
Le 30 janvier, Mediapart organisait son émission vidéo MediapartLive depuis la cabane de Commercy pour donner la parole au groupe de Commercy et faire débattre ses membres entre eux et avec des chercheurs et politologues. C’est à retrouver ci-dessous :
Première partie, depuis le chalet de la solidarité
Deuxième partie, débat au Café de la Paix
Mêlant des gens très divers, de droite, de gauche, un gaulliste social, un ancien militant du NPA, des militants écologistes, un ancien candidat de La France insoumise aux élections législatives et surtout beaucoup de gens éloignés de longue date de la politique, le groupe de Commercy tente aussi de faire prospérer au niveau local cette démocratie directe. À un an des élections municipales, le maire a-t-il pris peur de cette concurrence possible ? Il ne souhaite pas s’exprimer, la municipalité s’en tenant à une « occupation illégale de l’espace public » et aux plaintes d’habitants contre cette cabane. Ce que tendent à démentir fortement les résultats du référendum local de dimanche.
Le chalet de la solidarité désormais détruit, comme cela a été le cas de la plupart des cabanes de gilets jaunes dans le reste de la France, le groupe entend continuer ses actions à Commercy et en France. Il participera à la deuxième Assemblée des assemblées, qui se tiendra le mois prochain à la Maison du peuple de Saint-Nazaire. Et certains de ses membres seront à Paris ce samedi 16 mars pour le grand rassemblement national appelé par de nombreux collectifs de gilets jaunes.
Source : Médiapart
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