Qui sont les 54 bénéficiaires de la « pension nazie » en France? Paris interroge Berlin
Qui sont les Français ayant perçu une pension de l’Allemagne, pour avoir collaboré avec le régime nazi? Une question prégnante depuis que le ministère du Travail allemand a révélé vendredi que plus de 2000 personnes, dont 54 en France, en avaient bénéficié.
Paris a demandé à Berlin d’expliciter le profil des bénéficiaires en France de pensions versées par l’Allemagne au titre de la guerre de 1939-45 et dont le versement fait polémique. Les députés belges ont voté le 19 février une résolution visant à mettre fin au versement par Berlin de telles pensions, accordées selon eux à des collaborateurs belges du régime nazi. L’affaire fait depuis grand bruit, 2.000 personnes étant concernées au total dans le monde, dont 54 en France, en vertu d’une loi allemande de 1951 qui permet aux victimes de guerre allemandes de toucher une retraite complémentaire.
« Nous n’avions pas connaissance de cette pension. Sitôt informée, je me suis tournée vers les autorités allemandes pour en savoir plus, sur cette loi, sur ses critères de versement etc. », a relevé la secrétaire d’Etat auprès de la ministre française des Armées Geneviève Darrieussecq. La loi de 1951 ne concerne « que des victimes de guerre » et exclut des versements à « une personne qui aurait commis un crime de guerre », note-t-elle toutefois. « Et les autorités allemandes nous disent aussi qu’il n’y a pas de cas de collaborateurs volontaires » parmi les bénéficiaires, ajoute-t-elle, en soulignant que « chaque demande est soumise à vérification ».
Il reste aussi à établir si les 54 bénéficiaires recensés en France sont des Français ou des étrangers résidant en France, fait valoir la secrétaire d’Etat. En attendant ces éclaircissements, Geneviève Darrieussecq a mis en garde contre tout « raccourci » et toute « polémique », en appelant à « un peu de retenue ». Elle a aussi promis « toute la transparence » dans les « investigations » en cours. « Cette loi est appliquée depuis 68 ans. Je crois donc qu’on peut prendre encore quelques jours pour déterminer sereinement avec les autorités allemandes ce qu’il en est: évitons de parler sans savoir », a-t-elle dit. Le chef de file de La France insoumise (gauche radicale), Jean-Luc Mélenchon, a déclaré vouloir faire « interdire » en France le versement d’indemnités « pour services rendus à l’occupant nazi ».
2.033 personnes dont 54 Français ont touché « la pension de Hitler » en février
Cette pension a vu le jour en 1950 et devait initialement bénéficier au victimes de la Seconde guerre mondiale, civiles ou militaires, y compris d’anciens soldats enrôlés de gré ou de force dans la Wehrmacht. Les anciens SS, gardiens de camp de concentration ou personnes condamnées pour des crimes de guerre, sont censés être exclus. Mais le dispositif a pu être contourné et bénéficier à des personnes qui n’auraient pas dû y être éligibles, comme l’avait souligné en 2017, sans réaction à l’époque, l’élu Vert Volker Beck.
Au total, quelque 2.033 personnes, dont 435 de nationalité allemande, ont touché en février ce que Bild, le quotidien le plus lu d’Allemagne, a baptisé « la pension de Hitler ». Elle peut s’élever jusqu’à 1.300 euros. Combien de personnes au total ont pu toucher cet argent depuis la création de cette pension? Le gouvernement allemand affirme ne pas le savoir et se retranche derrière la protection des données personnelles pour ne dévoiler ni identité ni profil des allocataires. Et une suppression de cette pension, affirme à l’AFP le ministère du Travail et des Affaires sociales, n’est pas à l’ordre du jour.
Les bénéficiaires, allemands ou étrangers, sont répartis dans le monde entier, même si une nette majorité (1.532) vit en Europe. Le pays le plus représenté est la Pologne, avec 573 pensionnaires, selon des chiffres transmis par le ministère du Travail. Parmi eux, pas de trace d’ancien bourreau, assure l’ambassade allemande à Varsovie, qui garantit que chaque dossier a fait l’objet d’un examen attentif. Quelque 54 personnes la perçoivent en France, 34 en Grande-Bretagne, 71 en Croatie ou 48 en Hongrie. Le montant total de cette prestation controversée atteint chaque mois 787.740 euros.
Source : Charente Libre
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