La revue stratégique ou l’inventaire des incompatibilités
L’ARMÉE AU CŒUR DE LA NATION,
DANS LE CŒUR DES FRANÇAIS
Dès l’annonce faite, en 1995, par monsieur Jacques Chirac, président de la République, de la suspension du service militaire et de la création d’une armée professionnelle, a été élaboré un modèle d’armée dit modèle d’armée 2015; La réalisation de ce modèle, complet et cohérent, s’appuyait sur le processus 4PB : prospective, planification, programmation, préparation du budget.
Las, l’érosion constante des budgets de la Défense pendant plus de 25 ans en même temps que des engagements de plus en plus nombreux et de plus en plus coûteux de nos forces ont rendu ces dernières exsangues. La revue stratégique de Défense voulue par le nouveau chef des Armées et publiée le 13 octobre dernier a l’ambition (mot qui revient 48 fois dans les 110 pages de sa présentation) de constituer la première étape pour rétablir la cohérence entre les objectifs poursuivis en matière de Défense, les missions fixées et les moyens accordés. Elle définit trente aptitudes à détenir par nos forces armées aux premiers rangs desquelles la permanence de la crédibilité de notre dissuasion nucléaire nécessitant sa modernisation et la protection du territoire national contre toutes les formes possibles d’agression. À eux seuls, ces deux impératifs consommeront « l’augmentation » du budget annoncée et impacteront même notre capacité d’intervention à l’extérieur. Que dire alors d’autres capacités requises dans la revue stratégique comme «obtenir et conserver les supériorités aérienne, terrestre et maritime» sans qu’il soit d’ailleurs précisé dans quel contexte, face à quel adversaire et dans quel milieu ?
En dehors de ce qui relève de la nécessaire et absolue autonomie stratégique, c’est-à-dire de la dissuasion, du renseignement et de la protection du territoire, la revue fait appel à un miraculeux sésame : la coopération européenne. Mais qu’en est-il aujourd’hui, réellement, d’une utopique Europe de la Défense dont aucune de ce que devraient être ses missions n’est définie ? Avec quels partenaires doit-t-elle se construire ? Les Britanniques qui sortent de l’Union européenne ou les Allemands dont le budget de la Défense est déjà supérieur au nôtre mais qui ne veulent pas faire la guerre ?
Et qu’en est-il de l’équation financière ? La hausse de 1,8 milliards d’euros annoncée pour 2018 ne compensera pas les 850 millions abattus sur le budget 2017 augmentés du «surcoût» des opérations extérieures dont il faut comprendre qu’il sera, à l’avenir, entièrement à la charge de la Défense. L’objectif d’atteinte, pour le budget de la Défense, de 2 % du PIB en 2025 est d’ores et déjà inaccessible puisqu’il ne sera que de 42 milliards d’euros en 2022 pour un PIB qui, en 2017, devrait être supérieur à 2 300 milliards d’euros et qui, si la croissance espérée est au rendez-vous, affaiblira encore le ratio. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains parlementaires de la majorité présidentielle abandonnent d’ores et déjà cette notion de ratio pour afficher un budget nominal de 50 milliards d’euros en 2025.
Les projections financières prévues sur la durée du quinquennat ne sont donc pas à la hauteur des ambitions affichées par la revue stratégique qui, en outre, passe sous silence les difficultés de recrutement, en particulier dans les spécialités « pointues », et le fort taux de non renouvellement de contrat des militaires. Par ailleurs, est-il raisonnable d’évoquer ici l’éventualité d’un service national universel qui serait sans doute, au moins partiellement, à la charge des armées, et dont le coût est évalué à 3 milliards annuels en fonctionnement sans compter une dizaine d’autres en investissement initial ?
Ce qui est particulièrement regrettable, c’est que la revue stratégique de Défense dresse un tableau assez réaliste du contexte géostratégique dont elle constate la dégradation et l’instabilité croissantes, mais, pour ce qui concerne notre Défense, se contente de déclarations d’intentions sans même estimer le niveau des moyens réels nécessaires à nos armées.
La RÉDACTION de l’ASAF
Source : ASAF
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