Mimi (par Jacky Mestries)
Nous l’avons prénommé Alexandre, mais ses amis l’ont surnommé Mimi.
Mimi, c’est lui tout seul, sans nous ses parents.
Mimi par Jacky Mestries
Résumé
……………… » Les parents d’enfants handicapés se retrouvent dans un monde pour lequel ils n’ont pas été préparés, qu’ils n’ont même pas envisagé. Je crois qu’ils ne veulent pas de pitié, ils veulent qu’on leur fasse un peu de place parce qu’ils sont devenus un peu plus encombrants, simplement.
Alors gardez votre pitié, elle n’est pas utile, mais tentez seulement d’ouvrir votre esprit pour pénétrer dans ce monde que je vais essayer de découvrir pour vous.
C’est un père qui vous parle. On a l’habitude dans les médias de voir les mères s’exprimer, faire des livres, pour survivre le plus souvent, mais moins les pères…………… »
On y parle aussi de notre Cantal, du peuple Auvergnat, et de la gendarmerie
EXTRAIT :
Pourquoi ce livre ?
« Le sentiment que l’homme supporte le plus difficilement, est la pitié, surtout quand il la mérite. » (Balzac)
Balzac voit du mépris dans la pitié, j’y vois une position nécessairement supérieure même si inconsciente et niée et donc la réduction de celui qui en est l’objet.
C’est insupportable d’être traité ainsi. Les handicapés ne veulent pas de pitié réductrice, ils veulent simplement vivre le mieux possible dans leur monde et dans leur époque.
Les parents d’enfants handicapés se retrouvent dans un monde pour lequel ils n’ont pas été préparés, qu’ils n’ont même pas envisagé. Je crois qu’ils ne veulent pas de pitié, ils veulent qu’on leur fasse un peu de place parce qu’ils sont devenus un peu plus encombrants, simplement.
Alors gardez votre pitié, elle n’est pas utile, mais tentez seulement d’ouvrir votre esprit pour pénétrer dans ce monde que je vais essayer de découvrir pour vous.
C’est un père qui vous parle. On a l’habitude dans les médias de voir les mères s’exprimer, faire des livres, pour survivre le plus souvent, mais moins les pères.
C’est assez curieux à bien y penser, ce retrait, cette discrétion, alors que leurs cœurs sont aussi lourds que celui des mères, que leurs esprits sont aussi détruits, que leurs corps sont autant meurtris. Il y a longtemps que je n’ai plus besoin de me délivrer de quoi que ce soit, que j’ai renoncé à monter à l’assaut des moulins à vent et je vais vous décrire ce que vivent ces hommes qui préfèrent se taire habituellement.
Je pense qu’ils ne parlent pas pour ne pas montrer leurs faiblesses, c’est assez masculin comme attitude, pourtant ces faiblesses sont en réalité des forces puissantes, comme l’accession à une dimension différente, à une autre conscience. L’homme quitte le domaine de sa mission de chasseur pour se confronter à celui du soin d’un enfant, plus féminin a priori. Ces hommes ont alors quelque chose en plus, de la féminité probablement, mais certainement une sensibilité exacerbée.
Ne soyez pas étonné, j’ai toujours pensé que la femme nous était supérieure dans bien des domaines. Elle le sait et en use sans retenue. Je n’en fais pas un complexe. C’est un fait. À nous messieurs de relever le gant. Il vous vient en tête naturellement la chanson de Renaud, Madame Tatcher. Il n’y a rien à ajouter à ce texte, je pense.
Mais dans le silence des hommes devant l’enfant malade, je vois surtout le rôle de la mère qui s’impose et ne demande pas l’avis du père pour prendre les choses en main. Tout au plus, elle le fait suivre, de gré ou de force. Je l’ai vécu ainsi et je ne vois pas pourquoi les autres n’ont pas subi cette pression, cette puissance développée par une mère qui veut soigner son enfant. Gare à celui qui veut se mettre en travers.
Il faut vivre à son côté pour savoir l’étendue du sacrifice consenti. On décore des inutiles médiatiques où il faudrait honorer tant d’anonymes, mais comme dit Hollande sous l’arc de triomphe, l’ennui avec les gens inconnus, c’est qu’ils sont anonymes. (« Parce qu’il n’y a rien de plus terrible pour un soldat déjà anonyme que de mourir inconnu » – 11 novembre 2014.)
Les mères d’enfants handicapés doivent souvent renoncer à toute vie professionnelle. Elles se lèvent pour courir les spécialistes et les soins particuliers, les séances chez les kinés, les orthophonistes, les hôpitaux et non contentes de cela, il y a les autres enfants, la piscine, le judo, le rugby, la musique, l’école, les devoirs, les enseignants. Le pire c’est que mon ex le faisait le plus souvent avec le sourire, sans jamais se plaindre. Pas de vacances comme tout le monde, pas de grand voyage, pas de loisirs ou alors juste coincés entre deux rendez-vous, à la va-vite, sans espoir de passion quelle qu’elle soit, la place est prise. Une vie certes, mais pas une vie de femme accomplie.
Il aura fallu trente ans, pour qu’en calculant sa retraite, la mère d’Alexandre se rende compte que pour la société elle n’avait rien fait et qu’elle percevrait moins que si elle arrivait de l’étranger. Avouez qu’il y a de quoi se mettre en colère. Elle s’en est alors ouverte à moi en faisant un retour sur le temps passé. Elle pleurait, elle était désespérée, elle était au bout du chemin.
Faut que je meure pour qu’elle touche la pension de réversion si je veux qu’elle ait une vieillesse sereine et digne. « Je m’efforcerai de le faire ! » lui ai-je dit. Elle m’a répondu : « Si l’un de nous deux meurt, je serai bien triste ». Et nous en avons ri ensemble.
Une fois encore, elle a rangé ses malheurs comme on fait un brin de ménage et elle continue. Si vous la croisez, vous ne verrez rien, mais ne grattez pas trop, le vernis est mince, l’édifice est fragile, prêt à se disloquer à la moindre secousse. Tant que je suis là, je peux ramasser les morceaux les recoller, même à distance, et entendre quelques mots « doux » qui la vident de son trop-plein.
Je me souviens d’une de ses révoltes :
« A.. est forte, toujours, tout le temps, tout le monde dit que je suis forte, mais j’en ai marre d’être forte, je veux être faible, c’est toujours sur moi qu’on se repose, ma mère, ma sœur, mon frère, tout le monde. Je ne veux plus être forte… »
Et elle a repris son chemin, ses gosses, son mari et plus forte que jamais a avancé sans baisser la tête.
Je me rappelle, une photo prise lors de la communion de l’aîné une belle matinée de mai. Elle est assise seule sur un banc avant la messe à la cathédrale de Moulins, elle est seule avec son Alexandre sur ses genoux. Elle a les cheveux courts. Elle est habillée tout en blanc, son enfant aussi. Son regard est d’une tristesse infinie. Je suis aujourd’hui certain qu’elle pensait que celui qu’elle tenait dans ses bras ne ferait pas sa communion. …
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Détails de l’eBook
- Jacky Mestries, juin 2016
- ISBN :
- 1230001192247
- Langue :
- Français
- Options de téléchargement :
- EPUB 2 (Adobe DRM)
Source : Ebooks Mimi
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