Terrorisme: « Soit on attend la guerre civile, soit on l’évite »
Le général de gendarmerie Bertrand Soubelet. Patrick Valleau via éditions Plon
Cette vidéo du 18 décembre 2013 a été vue sur le Net par 500 000 personnes: ce jour-là, devant l’Assemblée nationale, le général de corps d’armée, directeur de la gendarmerie ose dresser un état des lieux inquiétant de la sécurité en France. «La politique pénale pose problème», explique Bertrand Soubelet. En août 2014, il est muté à la tête de la gendarmerie d’outre-mer. Depuis, il a vécu «les boucheries» du 7 janvier et du 13 novembre. Et dans un livre courageux et à charge «Tout ce qu’il ne faut pas dire» (Ed. Plon), il analyse les risques «d’une rupture sociale majeure».
Paris Match. Général en activité, vous publiez un livre très critique sur «30 ans de manque de courage politique, et de mollesse des gouvernements». D’aucuns vous soupçonnent même de relayer un thème d’extrême droite. En êtes-vous?
Bertrand Soubelet. Pas du tout. Je me retrouve même parfois davantage dans les idées de gauche que de droite. Et quand je constate qu’aux dernières régionales, six millions de français ont voté FN, cela me glace le sang.
La sécurité et la lutte contre le terrorisme sont aujourd’hui la priorité des Français. Pensez-vous comme certains à droite que la peine de sûreté irrévocable pour les terroristes peut être une solution?
La perpétuité ne résout rien. La lutte contre le terrorisme est d’abord un problème de renseignement. La réforme Sarkozy de 2008 qui a fusionné les ex DCRI et DST dans la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) était bonne dans son principe. Mais elle s’est faite dans des conditions épouvantables, entrainant notamment la perte de savoir-faire et de moyens pour continuer les missions. Or quand on rate une fenêtre, c’est mort: on pédale aujourd’hui pour limiter les dégâts.
L’intervention du général Soubelet à l’Assemblée nationale, vue environ 500 000 fois sur les différents sites de partage vidéo
Audition du Général Bertrand Soubelet, dir… par assemblee-nationale-fr
Vous expliquez qu’au delà du renseignement, il faut des solutions plus radicales?
Il faut que les responsables politiques appellent un chat un chat. Comme vient de le reconnaître le ministre de la Ville Patrick Kanner, on a sur notre territoire «une centaine de quartiers qui sont des Molenbeek potentiels». Ce sont des lieux de radicalisation avec des bases logistiques où il faut aller faire le ménage. Mais cette opération vérité exige d’ y mettre les moyens.
Et à défaut de cette opération vérité? Craignez-vous une guerre civile?
Soit on dit que l’intervention n’est pas justifiée, on attend la guerre civile et on se la prend dans la figure. Soit on essaie de l’éviter…
Dans votre livre ,vous racontez des scènes un brin surréalistes où le Premier ministre ne semble pas au courant des problèmes de sécurité.
En juin 2013, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls invite le chef du gouvernement Jean-Marc Ayrault à l’école de police de Lyon pour se faire expliquer la situation du pays en terme de délinquance. Lorsque je constate l’étonnement du Premier ministre, et parfois ses questions qui me laissent coi, j’ai l’impression qu’il découvre l’étendue des problèmes… Je suis stupéfait et je ne suis pas le seul.
Les jeunes ne respectent plus rien
Vous semblez parfois aussi douter de l’autorité des ministres de l’Intérieur?
Lorsque plusieurs ministres de l’Intérieur m’avouent: «On ne va pas pouvoir changer 30 ans de cogestion avec les syndicats de mon ministère», j’avoue que cela me laisse rêveur. Une grande partie des décisions place Beauvau ne sont pas prises sans l’aval des syndicats de police. Certes, les organisations syndicales sont essentielles dans une démocratie mais je pense qu’elles doivent rester à leur place et ne pas exercer de capacités de nuisance.
Que pensez-vous du policier qui a jeté un jeune à terre lors de la manif contre la loi El Khomri?
Je suis …
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