L’UE et les inondations contrôlées

Dans sa directive de 2007 dite directive-inondation 1) , l’Union européenne définit l’inondation comme « un phénomène naturel qui ne peut pas être évité ».

Malgré cela, les violentes inondations qui ont touché la France ces dernières années ne furent pas unanimement perçues comme telles par un certain nombre de personnes concernées.

En effet, de nombreuses voix parmi les élus, les syndicats d’intercommunalité, ou les syndicats d’agriculteurs, se sont élevées précisément pour dénoncer le caractère évitable de ces inondations.

En 2013 un sénateur 2) dans une question au ministre de l’Environnement souleva le problème de l’entretien des cours d’eaux rendu de plus en plus impossible par les autorités. « Il lui demande si ces inondations ne sont pas, partiellement, dues au mauvais entretien des cours d’eau et rivières. Autrefois, les rivières étaient librement entretenues par les riverains et les agriculteurs mais on est passé d’une extrême à l’autre, avec des normes toujours plus contraignantes et dissuasives. De ce fait, personne n’ose plus intervenir et les cours d’eau ne sont plus nettoyés. »

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La question de l’entretien des cours d’eau

Dans un article de La Voix du Nord de juin 2016 intitulé « Lorgies: l’entretien des cours d’eau mis en cause dans les inondations »3) , le directeur de l’Union Syndical d’Aménagement hydraulique du Nord déclare attendre depuis plus de trois ans les arrêtés préfectoraux qui l’autoriseront à dévaser les cours d’eau. L’USAN affirme que des fossés autrefois curés tous les quatre ans n’ont plus été depuis quinze ans.

En 2014, un maire d’une commune du Var en rappelant l’importance du curage des rivières contre les inondations, déclara à la presse que lors d’un nettoyage de rivière ses engins avaient tout simplement été arrêtés par la police de l’eau: « Les élus locaux connaissent parfaitement leurs rivières. Si on baisse le niveau de la rivière de deux mètres, si on talute les berges et si on fait des enrochements dans les points sensibles, il n’y a pas de raison que la rivière sorte de son lit.[…]Hier, on a encore arrêté nos engins parce que la police de l’eau voulait préserver les anguilles. Le débat du jour, il est simple: veut-on préserver les anguilles ou des vies humaines ? » 4)

Sur l’Ile de Ré, les élus se voyaient reporter chaque année la reconstruction des digues dont le mauvais état, déjà signalé comme tel en 2008, avait causé les inondations de Xinthia en 2010. Les élus appelèrent donc, dans des délibérations des conseils municipaux de l’île, à reprendre les vieilles tradition multiséculaires où les habitants reconstruisaient et entretenaient eux même les digues. Ainsi, le 9 août 2013, devant les médias (qui n’en parlèrent point, par peur de donner des idées aux autres communes de France ainsi menacées), les RG et la maréchaussée médusée, 1500 habitants, armés de pelles, reconstruisirent une première digue, au Groisil dans la commune de la Couarde. 5)

En juin 2016, le maire de Sainte-Florence (Gironde) qui avait procédé au curage d’un cours d’eau sans autorisation préalable, s’est vu condamné par la justice à payer une amende de 5000 euros. Ses travaux furent jugés « nuisibles au débit de l’eau et à la vie aquatique », selon l’accusation, et aux importantes « conséquences environnementales sur la faune et la flore », selon la décision de la Cour d’appel. 6)

Tous les obstacles mis à ces opérations d’entretien sont récents et concernent tout le territoire. En effet, ils font suite à la publication de la directive-cadre sur l’eau de 2000, transcrite en droit français en 2004 .7)

La directive-cadre sur l’eau (DCE)

Elle engage les Etats à atteindre le « bon état » de ses cours d’eau en 2015. La notion de « bon état » concerne la qualité chimique de l’eau, mais surtout la qualité « écologique » des « masses d’eau ». La qualité écologique est déterminée par l’absence de « signes de distortion résultant de l’activité humaine » sur le cours d’eau: « Pas ou très peu d’altérations anthropogéniques » constitue selon l’annexe V le « très bon état écologique ». Un des critères de qualité « hydromorphologique » est la « continuité », c’est-à-dire l’absence de perturbations « par des activités anthropogéniques et qui permet une migration non perturbée des organismes aquatiques et le transport de sédiments ».

Selon une brochure de la Direction général de l’Aménagement, du Logement et de la Nature sur la DCE 8), à la suite de cette directive, 55% de l’état écologique des masses d’eau en France fut classé « moins que bon ». Il était donc urgent de « restaurer les continuités écologiques ».

Selon l’Office National de l’Eau et des Milieux aquatiques (ONEMA) 9): «  Une grande partie des détériorations des habitats fluviatiles résultent de la modification de la morphologie et des processus hydromorphologiques des cours d’eau. Les principales sources du désordre sont les modifications des régimes hydrologiques par la chenalisation des rivières (recalibrage, rectification, endiguement) et la présence de seuils ou de barrage […]Un fonctionnement hydromorphologique perturbé augmente singulièrement le risque de non-atteinte du bon état écologique exigé par la directive cadre sur l’eau (DCE). »

En termes concrets, « l’atteinte du bon état écologique exigé par la DCE » signifie la fin de l’entretien des rivières. Une plaquette d’entretien 10) de 2010 des rivières publiée par le préfet du Cher, département qui fut durement touché par les inondations de 2016, donne un sens plus clair aux applications concrètes de la Directive européenne. Quelques exemples de conseils d’entretien:
-  les embâcles: « Formés par une accumulation de végétaux morts, les embacles constituent un support de biodiversité dans la rivière (abris, support de ponte, source de nourriture…). Ils ne doivent être retirés que lorsqu’ils représentent un risque : aggravation des crues, érosion des berges, déchaussement d’ouvrages… »
-  les berges: « L’entretien se réalise de façon pluriannuelle, soit des interventions tous les 3 à 5 ans selon la dynamique de la végétation, avec pour grands principes :
• conserver au maximum la végétation … » « Sont à proscrire: les protections étanches en « dur » qui suppriment tout échange entre le milieu aquatique et le milieu terrestre, induisent un appauvrissement du milieu, entraînent souvent une accélération du courant par leur faible rugosité et provoquent généralement une érosion en aval. » « Il ne faut donc pas couper les broussailles de manière systématique
 »
-  curage: « Le phénomène de dépôt-érosion fait partie du fonctionnement normal d’une rivière en bonne santé. »

La sédimentation et le dépôt des cours d’eau sont donc définis comme des pratiques naturelles du cours, c’est-à-dire « normales », la zone inondable devenait un milieu humide et semi-aquatique ou encore un « espace de liberté du cours d’eau ».

Alors que cette directive protège la vie du cours d’eau, elle ne dit rien de la vie des habitants vivant le long des cours d’eau. Leur sort est plus précisément décrit dans la directive de 2007, la directive-inondation 11) retranscrite dans le droit français en 2010.

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La directive inondation

Ce n’est plus le risque d’inondation qui doit être pris en compte comme c’était le cas en droit français, mais ce risque pondéré par un facteur qui inclut notamment les enjeux économiques du territoire. « Risque d’inondation : combinaison de la probabilité d’une inondation et des conséquences négatives potentielles pour la santé humaine, l’environnement, le patrimoine culturel et l’activité économique associées à une inondation. »

Ainsi le risque dans une zone inondable « à faible enjeu », c’est-à-dire la majorité du territoire, peut être considéré comme non significatif: « Les risques pourraient être considérés dans certaines zones comme non significatifs (zones faiblement peuplées ou inhabitées, zones aux enjeux économiques ou écologiques limités) », affirme la directive. La logique d’avantages coûts que la directive met en place considère l’inondation de ces zones comme n’ayant pas de conséquences négatives. Au contraire l’entretien peut se révéler plus coûteux que le bénéfice qui en serait retiré. « Le plan tient compte des points suivants: les coûts et les bénéfices… ». Pour toutes ces zones, les mesures préconisées par le DCE s’imposent donc : restauration de la continuité écologique, espace de liberté du cours d’eau.

A l’inverse l’inondation de certaines zones sont considérés comme ayant des conséquences négatives: les zones à risques d’inondation (ZRI) dont la carte a été tracée par l’Etat français 12) . Ce sont en gros les 80 plus grandes agglomérations du territoire. La nouveauté introduite par la directive est que des zones qui autrefois n’étaient pas considérées comme inondables le deviennent. La probabilité d’une crue centennale (occurrence supérieure à tous les 100 ans) devient une « probabilité moyenne » d’inondation. Les espaces jugés compétitifs et attractifs pourront par ce biais être classés comme ZRI.

Ainsi, Montigny-sur-Loing, Nemours ou Vendôme, villes qui ont été les plus durement touchées par les inondations de 2016, ne sont pas classés en ZRI. Mais le centre ville de Paris qui a connu une inondation en 1910 le devient, avec le plan de gestion de risque qui s’impose, comme par exemple le très médiatisé exercice « EU Sequana 2016 » de mars 2016. Des bassins de rétention ou des plans d’ « inondation contrôlée » voient ainsi le jour dans des communes jugées « compétitives », et ce en dépit de la faiblesse du risque. « Les plans de gestion des risques d’inondation peuvent également comprendre l’encouragement à des modes durables d’occupation des sols, l’amélioration de la rétention d’eau, ainsi que l’inondation contrôlée de certaines zones en cas d’inondation. »

En clair, l’UE interdit aux habitants de lutter contre les inondations dans les zones inondables, et se fait le cheval de bataille de la lutte contre les inondations dans des zones en partie non-inondables.

Conclusion: l’UE et les inondations contrôlées

Les inondations survenues en France ces dernières années ont donc bel et bien été « contrôlées » par l’Union Européenne, et favorisées par le zèle de certaines administrations et ministères. Le bilan humain est très lourd: 782 communes inondées en état de catastrophe naturelle et 20000 évacuations en juin 2016, 20 morts dans le sud-est en 2015… La liste continuera à s’alourdir tant que le pays cherchera à atteindre les objectifs fixés par les directives.

La commission européenne est épaulée, encouragée et relayée avec zèle et entrain par des associations « environnementales », souvent recevant d’ailleurs de nombreuses subventions tant de multinationales que de la dite commission, dans ce travail d’obstruction systématique à la tradition française d’entretien et de construction d’ouvrages hydauliques pour le bien de toute la population.

L’écologie est un prétexte utilisé pour masquer la destruction totale du paysage français, résultat de siècles de travaux. Par exemple, Blaise Pascal avait consacré une partie de sa vie, de ses revenus et de son savoir à l’assèchement de marais poitevins. C’est cette œuvre à la fois populaire, scientifique et technique que l’UE cherche à détruire, pour transformer le paysage français en un vaste et lucratif musée à ciel ouvert. Selon cette politique, nulle canalisation du Rhin, de la Loire, nulle construction de canaux, de moulins au fil de l’eau, aménagement sur le long terme du territoire national n’aurait été possible et ne l’est désormais. Si la France laisse cette logique se développer, on peut craindre que d’ici quelques années, les zones rurales soient totalement vidées.

Pour reprendre les termes du rapport EDORA (European development opportunities for rural areas), lequel préconise l’émigration massive des populations rurales et de ses outils industriels vers le nord de l’Europe, la nature « sauvage », « authentique », « durable » et réservée au « tourisme haut de gamme pour étrangers hors OCDE »13) aura alors enfin pu remplacer l’homme.

Valentin Martin
Jacques Maillard
Comité Valmy

Notes

1) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/ ?uri=CELEX:32007L0060&from=FR
2) Question écrite n° 06473 de M.  Gérard Bailly (Jura – UMP)
3) http://www.lavoixdunord.fr/region/lorgies-l-entretien-des-cours-d-eau-mis-en-cause-dans-ia21b49768n3559023
4) http://france3-regions.francetvinfo.fr/cote-d-azur/2014/11/29/inondations-le-maire-de-la-londe-denonce-les-contraintes-environnementales-602722.html
5) Voir l’article EDORA et Xynthia, sur le site du Comité Valmy

6) http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/06/08/01016-20160608ARTFIG00014-un-maire-condamne-pour-avoir-voulu-prevenir-des-risques-d-inondations.php
7) http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DGALN_directive-cadre-eau_1_.pdf
8) http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/23b_DGALN_directive-cadre_objectifs_et_mise_en_oeuvre_4_pages_def_web.pdf
9) http://www.onema.fr/IMG/Hydromorphologie/6_conn4_alteration_vbat.pdf
10)http://www.cher.gouv.fr/content/download/6156/36555/file/plaquette_riviere_entretien.pdf
11) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/ ?uri=CELEX:32007L0060&from=FR

voir la présentation du CEPRI http://www.cepri.net/tl_files/pdf/directiveinondation0805.pdf
12) http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/1-2012_TRI_Nom-2.pdf

13) selon Goldman Sachs. Voir http://www.comite-valmy.org/spip.php ?article3139

source: http://www.comite-valmy.org/spip.php?article7257

Source : Reseau International

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