2 souverainistes français commentent le 16ème sommet des BRICS à Kazan en Russie.

Georges Kuzmanovic et Pedro Guanaes, du parti souverainiste République souveraine, étaient à Kazan du 22 au 24 octobre 2024. Le soir de la clôture du sommet, ils nous livrent leur analyse des succès de ce rassemblement qui confirme la bascule du monde vers la multipolarité.

Profession Gendarme a publié il y a 4 jours une présentation de ce sommet par la chaîne Russia Today (bannie dans l’Union européenne par un diktat de U. Von der Leyen le 1er mars 2022) grâce à la traduction de notre amie Jocelyne Chassard :

Aujourd’hui, Jocelyne Chassard nous propose l’analyse des 3 jours de ce sommet des BRICS par le président de République souveraine, Georges Kuzmanovic, et Pedro Guanaes, membre du secrétariat national du parti, en direct de Kazan le 24 octobre 2024. La Déclaration finale du sommet de Kazan (texte en anglais) est jointe au présent article.

République souveraine est un parti politique français fondé le 23 mars 2019 par Georges Kuzmanovic, qui en est actuellement le président.

https://www.republique-souveraine.fr/

Ce petit parti propose de dépasser le clivage gauche-droite sous sa forme classique, en retrouvant la logique souverainiste et sociale du Conseil national de la Résistance, et de s’opposer au « bloc ultralibéral, européiste et atlantiste ». Malheureusement, entre 2020 et 2022, contrairement à un autre souverainiste français, Florian Philippot, M. Kuzmanovic n’a pas su voir l’escroquerie criminelle du covidisme : nul n’est parfait et cela n’enlève rien à la pertinence de son analyse.

La chaîne Youtube de son parti, Fréquence populaire Média, a consacré 10 émissions

au 16ème sommet des BRICS à Kazan, capitale de la République du Tatarstan et sixième ville (par sa population) de la Fédération de Russie.

1. Réussite de ce 16ème sommet.

La première satisfaction est le bon déroulement de cette énorme réunion : 35 pays représentés (par des chefs d’état, premiers ministres ou ministres principaux), 6 organisations internationales dont l’ONU (par le secrétaire général Antonio Guterres), 200 réunions de préparation pendant l’année, la mise sur les rails du groupe des pays-associés, les BRICS +, 1000 journalistes présent.es sur place, des consignes de sécurité draconiennes, sans doute pour éviter une attaque terroriste du régime de Kiev, aidé du MI6 britannique…

Même si ce n’était pas du tout l’objectif principal, les médias et potentats occidentaux ont dû se rendre à l’évidence : la Russie est très loin d’être isolée sur la scène internationale depuis sa prétendue agression contre l’Ukraine le 24 février 2022.

Il est possible que la ville de Kazan ait été choisie pour montrer la viabilité du multiculturalisme, la coexistence pacifique entre les 2 religions du christianisme et de l’islam, et l’autonomie d’une des 24 républiques à l’intérieur de la Fédération de Russie.

Un événement significatif fut l’arrivée de Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie : celle-ci est membre de l’OTAN et c’est un partenaire dont les États-Unis se passeraient difficilement. Pourtant, en participant à ce sommet et notamment en intégrant le groupe des états-associés des BRICS +, Erdogan a montré aux USA qu’il mettait toujours au premier plan les intérêts de son pays. Dans son bilan, M. Kuzmanovic a raison de rappeler que, depuis 1966, la Turquie reste aux portes de l’Union européenne et que depuis presque 60 ans les Turcs ont la nette impression qu’ils n’ont pas montré une patte suffisamment blanche pour que l’UE les intègre cordialement… Et aujourd’hui que l’UE s’est énergétiquement sabordée en sanctionnant la Russie et en se privant de ressources sûres et bon marché, la Turquie constate que l’Union européenne ne fait plus du tout rêver : ce n’est plus une économie en croissance et sa vassalité servile vis-à-vis de Washington a depuis longtemps remplacé l’idée de souveraineté politique.

2. Du respect et de la souveraineté, mais pas d’anti-Occidentalisme primaire.

MM. Kuzmanovic et Guanaes ont constaté pendant ces 3 jours, en discutant avec les participant.es, une demande unanime de respect. Ce n’est pas étonnant car presque tous les pays représentés appartiennent aux continents qui ont été colonisés par l’Occident : l’Asie, l’Afrique et l’Amérique centrale. C’est ce qui a rappelé à M. Kuzmanovic le mouvement des pays non-alignés dans les années 1970 : ce mouvement est né en 1961 dans la continuité de la conférence de Bandung de 1955, en pleine guerre froide entre les blocs capitaliste (Ouest) et soviétique (Est). Il regroupait les pays qui ne souhaitaient pas s’inscrire dans cette logique d’affrontement Est-Ouest mais au contraire favoriser l’indépendance effective des pays du Sud dans le cadre de la décolonisation. Même si son influence politique a décru après la fin de la guerre froide, le mouvement des non-alignés (MNA)

https://www.humanite.fr/monde/diplomatie/pourquoi-le-mouvement-des-non-alignes-est-il-de-retour

continue de jouer un rôle important : 120 pays en étaient membres en 2016.

L’autre volonté qui s’est affirmée pendant le sommet est la souveraineté : beaucoup de pays africains francophones se tournent vers la Russie et la Chine pour financer leurs investissements car ils ne trouvent pas dans la France le respect de leur souveraineté. On se rappelle l’effet désastreux pour l’image de la France en Afrique du discours que N. Sarkozy, président de la République, avait prononcé à à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar le 26 juillet 2007, devant des étudiants, des enseignants et des personnalités politiques : il avait notamment affirmé que « le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire »…

Pourtant, paradoxalement, M. Kuzmanovic remarque que, dans les déclarations orales ou dans la Déclaration écrite finale du sommet, les organisations internationales existantes (et souvent critiquées pour être trop occidentalisées : ONU, FMI, G20, OMC) ont été mises en avant et pas du tout écartées.Les BRICS ne se posent pas en bloc anti-Occident mais demandent fermement que les pays émergents d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine aient plus de place dans ces instances, par rapport à leur population ou à leur économie.

Cela rappelle une assertion du premier ministre de l’Inde Narendra Modi : les BRICS ne sont pas contre l’Occident, simplement ils NE SONT PAS l’Occident !

3. Un piège subtil tendu à l’Occident trop sûr de lui ?

Pour Georges Kuzmanovic, la Déclaration finale du sommet de Kazan (voir texte en anglais en annexe) est un peu décevante car on s’attendait peut-être à des changements fracassants, comme l’annonce du système de paiement international BRICS Pay, alternative au système Swift que les États-Unis utilisent comme arme de rétorsion lorsque des pays comme la Russie ne se plient pas à leur volonté.

De même, malgré la présence de Mahmoud Abbas, président de l’autorité palestinienne, malgré la considération de la Palestine comme un état, la campagne d’extermination d’Israël à Gaza n’est pas mentionnée comme un génocide, même si la Déclaration finale évoque la plainte de l’Afrique du Sud pour ce crime de génocide devant la Cour internationale de Justice de l’ONU :

« Nous reconnaissons les mesures provisoires réclamées par la Cour internationale de Justice dans la procédure initiée par l’Afrique du Sud contre Israël. Nous réaffirmons notre soutien à la pleine appartenance de l’État de Palestine dans les Nations-Unies et notre engagement ferme pour la solution à deux états fondée sur le droit international, y compris les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations-Unies, ainsi que de l’Initiative de paix arabe, laquelle prévoit l’établissement d’un état indépendant, souverain et viable, dans les frontières internationalement reconnues de juin 1967 et avec Jérusalem-Est comme capitale, vivant au côté d’Israël en paix et en sécurité. »

M. Kuzmanovic pense que cette posture somme toute courtoise des BRICS envers l’Occident pourrait être un piège subtil pour mettre à l’épreuve son hybris. Les BRICS n’ont pas besoin de taper du poing sur la table ou de brandir un poing vengeur car ils ont déjà gagné sur le terrain économique : ils représentent déjà 37% du PIB mondial, 48% des réserves de pétrole (avec les 9 membres de 2024), la dédollarisation est déjà en marche… LES BRICS disent en fait gentiment à l’Occident : votre hégémonie est terminée, votre domination sur le monde, qui a commencé il y a 5 siècles avec les grandes découvertes (dont celle de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492…) puis avec la naissance du capitalisme industriel dans l’Empire britannique à la fin du 18ème siècle, est terminée. Nous vous tendons la main, nous voulons continuer à participer aux organisations internationales que vous avez mises en place après 1945, mais nous voulons un partage égal des responsabilités et que les relations commerciales et le développement respectent notre souveraineté et nos intérêts.

Cette main tendue, le bloc Occident (qui fonctionne comme des vassaux ou des valets à la botte des USA, comme l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, la Nlle-Zélande…) sera-t-il assez intelligent pour ne pas la repousser, par exemple lors du prochain G20 qui se tiendra à Rio de Janeiro au Brésil, les 18 et 19 novembre 2024 ?

https://www.g20.org/es/acerca-del-g20/cumbre-rio-2024

Si c’est le cas, alors les BRICS, qui en interne respectent les intérêts de chacun des membres, auront beau jeu de se poser en contre-pouvoir d’un Occident voulant rester à tout prix hégémonique, et pourraient bien devenir un rouleau compresseur…

  1. Les BRICS, porte-parole et avant-garde du Sud global.

Pour le président de l’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, l’association des BRICS promeut le multilatéralisme, la coopération, le développement des pays du Sud global mais aussi l’unité de leurs peuples. L’Afrique du Sud a notamment eu des échanges bilatéraux avec l’Égypte, le Congo, le Brésil, l’Iran et les Émirats arabes unis.

« Les BRICS se sont maintenant renforcés et en fait chacun de nous sent bien que cela renforce le Sud global. Cette fois nous avions les nouveaux membres qui participaient et nous étions satisfaits de voir des pays africains dans le groupe des pays associés. Ce sommet a été le plus important pour nous. »

https://en.sputniknews.africa/20241026/with-brics-expanded-global-south-gains-strength-sa-president-ramaphosa-says-on-brics-summit-2024-1068895256.html?ysclid=m2rkwlgmkb198284024

De même, lorsque le président du Vénézuela Nicolas Maduro était arrivé à Kazan le 22 octobre 2024,

https://esrt.space/actualidad/527415-maduro-kazan-brics-visita

il avait déclaré que sa présence à un sommet des BRICS était « historique » et que « les quatre grands pays pétroliers du monde allaient se rencontrer : la Russie, l’Arabie séoudite, l’Iran et le Vénézuela. »

« Les BRICS sont déjà devenus l’épicentre du nouveau monde multipolaire, l’épicentre du monde de la nouvelle géopolitique, de la diplomatie et de la paix. Et surtout, ils sont l’espoir pour les pays du Sud global, qui aspirent au développement et à une économie qui ne soit pas basée sur des sanctions ou du chantage. […] Nous sommes venus avec nos rêves et nos espoirs d’un monde sans colonialismes ni impérialismes, un monde où les superpuissances émergentes pourront partager avec les pays du Sud global l’indépendance, le développement et la prospérité. »

Jocelyne Chassard.

Déclaration Brics à Kazan document de 32 pages .pdf ci-dessous

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