Entretien avec l’écrivain et politologue juif antisioniste Jacob Cohen
1« Voilà pourquoi le Mossad agit sur les Amazighs du Maghreb » 2« Les sayanim sont les agents du Mossad au Maghreb » 3« Les sayanim cherchent à fractionner le Maghreb pour mieux le contrôler »
Jacob Cohen est un écrivain juif politiquement engagé contre le sionisme et pour une Palestine libre et unie. Il exprime souvent ses idées politiques sous une forme romanesque, et malgré les contraintes qui l’assiègent et les restrictions médiatiques dont il est la cible depuis de longues années par le biais des médias mainstream français « sionisés », il livre épisodiquement des analyses et des entretiens de haute teneur politique, dans lesquels il dévoile la face cachée du sionisme.
Les « sayanim », il en fut un des tout premiers à en parler, avant que les médias ne découvrent la véritable nature de ces agents dormants travaillant en sous-sol pour le Mossad et qui sont au nombre de 50 000 dans le monde (dont près de 5 000 en France).
Dans cet entretien, il livre aux lecteurs algériens une analyse pertinente du dessous des cartes et sait mieux que quiconque percer à jour les plans des stratégies de puissances.
Commençons, tout d’abord, par un peu de littérature politique, si vous le voulez bien, avec la lecture de « Main basse sur Tinghir », que vous aviez eu l’amabilité de m’envoyer. Dans cette paisible oasis sud-marocaine, vous décelez la présence suspecte du Mossad sous la forme de promoteurs touristiques. Qu’en était-il exactement et qui a fait germer dans votre esprit ce narratif sous forme de roman?
J’ai fait un voyage dans la région en 2018, avec des amis amazighs, militants contre la normalisation avec l’entité sioniste. Ils m’ont décrit ce qui se passait dans la province de Tinghir, et ils m’ont demandé d’écrire quelque chose là-dessus. C’est comme cela que j’ai imaginé ce roman. Je trouve que la forme romanesque est plus propice à rendre sensibles les faits et peut faire travailler l’imagination des lecteurs. Mais bien sûr, tout repose sur une certaine réalité du terrain.
Les sayanim agissent sous de faux drapeaux et avancent masqués sous la forme de promoteurs de la culture et des échanges partagés. Est-ce l’unique accoutrement sous lequel ils agissent au Maroc ?
Au départ, avant les normalisations officielles avec le Maroc et autres monarchies, on avait habitué les populations avec des dialogues religieux ou des festivals de musique. Qui aurait l’inhumanité de s’opposer à de tels échanges, basés sur des sentiments élevés ? Et ainsi on s’est habitué à la présence israélienne, lui trouvant même un côté progressiste, humaniste, tolérant, pacifique, inoffensif. La normalisation politique venait couronner un processus largement accepté.
La présence des sayanim (terme que vous aviez eu le mérite de faire connaître et de propager avec le roman « le Printemps des Sayanim », beaucoup mieux que Victor Ostrovsky ou Gordon Thomas, qui sont restés l’apanage des seuls cercles spécialisés) dans les fiefs traditionnels à majorité amazighe n’est-elle pas également une fixation sur le fait amazigh, afin d’opérer des dissensions communautaires dans le Grand Maghreb ? En termes plus clairs, les Amazighs constituent-ils un terrain de jeu de la stratégie maghrébine du sionisme ?
Les sayanim agissent au Maghreb sur tous les plans, mais avec une prédilection pour les Amazighs, ou les Kabyles en Algérie, afin d’exploiter leur sentiment identitaire et peser sur la stabilité de leurs pays respectifs.
A terme, les sayanim voudraient provoquer la séparation de ces régions pour affaiblir les pays concernés et avoir à leur disposition des petites régions autonomes qu’ils pourraient mieux contrôler.
Revenons à l’actualité : qu’est-ce qui vous semble avoir changé en une année au Moyen-Orient et dans le monde depuis le 7 octobre dernier ?
A priori le tableau semble immuable d’un Israël agressif et d’un environnement arabe plutôt passif. Mais il y a des signes d’un ébranlement aux conséquences incalculables.
La société israélienne est profondément ébranlée par une crise durable et sans précédent, des tensions internes sont palpables, on remarque une fuite des cerveaux.
De l’autre côté, l’Iran pose un problème insoluble à la prééminence sioniste et semble imbattable.
La Nation arabe n’est pas près de concevoir un avenir pacifique avec cette entité sioniste.
L’espace en crise s’est élargi de sorte que la résistance est passée de Gaza au Sud-Liban, au Yémen et en Irak avec les « HachdChaabi » ; de même, l’Iran est devenu un belligérant du conflit. Jusqu’où pourrait aller cette guerre qui semble être devenue une guerre de Netanyahu ?
Cela paraît certes une « guerre de Netanyahu » mais cela devait arriver tôt ou tard. Le régime sioniste est incapable d’arriver à un compromis acceptable. Il est enfermé dans son délire de domination générale et dans son obsessionnel refus de tout Etat palestinien. De sorte que les forces de résistance apparaissent de partout et élargissent le champ de confrontation.
Les mythes de l’Alya et de la Terre promise ont été sérieusement ébranlés, de sorte que les juifs aujourd’hui savent à quoi s’en tenir quand on leur promet une vie meilleure en Israël…
Absolument. On remarque d’ailleurs que parmi les dizaines de milliers qui ont quitté récemment le pays, la grande majorité d’entre eux étaient des immigrants de fraîche date qui n’avaient pas trouvé le « paradis » escompté. Ils pouvaient facilement reprendre leur vie d’avant. D’ailleurs beaucoup d’Israéliens enracinés rêveraient de partir s’ils en avaient la possibilité juridique et matérielle. Cela porte un coup sévère à ce mythe d’un pays-refuge qui aura des conséquences sur le développement du pays sur le long terme.
Pour la première fois, malgré l’arsenal médiatique dont il dispose en France, aux Etats-Unis et partout dans le monde, Israël a été ébranlé par ses menées génocidaires et traîné devant les juridictions internationales pour crime de guerre. Cela ne prouve-t-il pas que les outils connus ou secrets dont dispose Tel Aviv sont limités, de même que ses capacités opérationnelles et de renseignement ont démontré leurs limites sur le terrain ?
Le constat est indiscutable, mais on peut l’interpréter différemment, comme la puissance d’Israël à s’en sortir, l’image écornée, certes, mais encore intouchable. Quel autre pays qui aurait commis les mêmes crimes et aurait été condamné par les instances internationales aurait pu continuer sans être sanctionné ni arrêté ?
L’Occident dans son ensemble continue de le soutenir et de réprimer toutes les formes de contestation contre lui. Sans l’emprise profonde qu’il a sur l’Occident, Israël aurait été balayé. Quant à ses capacités opérationnelles et de renseignement, le constat est beaucoup plus pertinent.
Non seulement il est englué dans deux conflits contre des adversaires relativement faibles et il ne s’en sort qu’avec des bombardements massifs et aveugles, mais il n’ose pas affronter un adversaire à sa mesure comme l’Iran.
Nous vivons un contexte mondial agressif et hostile avec une dizaine de guerres toujours en cours, bien que celles de Gaza et d’Ukraine occupent l’actualité médiatique ; comment appréhendez-vous l’avenir du conflit, l’avenir du sionisme et la volonté expansionniste du mondialisme à maintenir en l’état un monde unipolaire hyperhégémonique ?
Tout indique que l’ère de l’hégémonie américaine touche à sa fin. Le Sud global, mené par la Russie, la Chine et l’Inde, le refuse. Les BRICS iront en se développant et en créant leurs propres instruments économiques, commerciaux, financiers, diplomatiques.
De nombreux pays arabes ou musulmans en font déjà partie ou les rejoindront. Et cela aura une conséquence sur l’avenir du sionisme. Celui-ci ne survit que par la puissance unilatérale de l’Occident. Le jour où les BRICS auront leur mot à dire, Israël trouvera un adversaire qui le contraindra à adopter une attitude plus conforme à la justice et au droit.
Le cinéaste et essayiste Eyal Sivan, qui se réclame d’un judaïsme humaniste de la diaspora, dont il clame la normalité, a dit il y a quelques jours qu’Israël utilise la mémoire juive pour justifier le génocide des Palestiniens. Que pensez-vous de cette ligne de départage qu’il trace ?
Effectivement, le sionisme, à son origine athée, antireligieux, opposé à toutes les traditions du passé, a fait main basse sur les institutions juives en Israël et dans la diaspora, et cherche sa légitimation dans les textes sacrés qu’il abhorrait. C’est un retournement qui montre la perfidie du sionisme et son peu de scrupules…
Entretien réalisé par Fayçal Oukaci
Source : e-bourse
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