Israël doit reconnaître la Nakba (Catastrophe) palestinienne de 1948 !

Il y a quelques jours, notre amie Jocelyne Chassard nous a présenté la requête que l’Afrique du Sud a déposée en décembre 2023 devant la Cour internationale de justice (organe judiciaire des Nations-Unis) pour dénoncer le crime de génocide que l’actuel gouvernement d’Israël est en train de commettre contre le peuple palestinien enfermé dans la Bande de Gaza en Palestine occupée.

Aujourd’hui, elle nous présente les arguments d’un historien israélien de 70 ans qu’elle vient de découvrir, Ilan Pappé, qui a la particularité d’être antisioniste et qui a mis en lumière le nettoyage ethnique commis contre le peuple palestinien en 1947-1948.

Ma vidéo sur Youtube : https://youtu.be/jJFcmK2Q2MQ

I. Qui est Ilan Pappé ?

C’est un historien israélien dont les parents juifs ont fui l’Allemagne nazie avant la seconde guerre mondiale : ils se sont installés en Palestine, dans la ville côtière de Haïfa, avant la Déclaration de l’état d’Israël en mai 1948.

Ilan est né en 1954 et pendant toute sa jeunesse il était naïvement sioniste et ne se posait pas de questions. À 18 ans il a servi dans l’armée et il était stationné sur le plateau du Golan pendant la guerre de Kippour en 1973.

Vers ses 30 ans, alors qu’il avait commencé des études d’Histoire, il a compris le phénomène de l’épuration ethnique commise par les Israéliens contre le peuple palestinien en 1947-1948. Il a découvert que à Haïfa, avant 1948, il y avait 75.000 palestinien.nes ; seulement 3000 ont été autorisé.es à rester.

Depuis, comme historien et enseignant, il s’est attaché à comprendre la nature du sionisme : maintenant il condamne le sionisme comme une idéologie européenne raciste, discriminatoire et coloniale.

Il a publié plus de 20 livres pour expliquer la question Israël/Palestine ; l’un des plus connu est en 2006 “Le Nettoyage ethnique de la Palestine

Il a été critiqué en Israël comme les “nouveaux historiens” : Benny Morris, Tom Segev, Avi Shlaïm, Simha Flagan. Ils déconstruisent le mythe officiel de la création de l’état d’Israël et montrent que certaines des affirmations des Palestiniens sont vraies.

Ilan Pappé travaillait à Haïfa comme maître de conférence dans le département de Sciences politiques. L’université de Haïfa lui a demandé de partir en 2007 car sa position était à leurs yeux anti-israélienne.

Depuis lors, il enseigne l’histoire palestinienne en Angleterre, à l’université d’Exeter, dans le Collège de Sciences sociales et de Relations internationales. Il dirige aussi le Centre européen d’études palestiniennes.

Ilan Pappé pense que ce que fait le gouvernement de Netanyahou depuis le 8 octobre 2023 est un génocide, pire que la Nakba de 1948 ; mais que cela marque la fin du sionisme.

II. Qu’est-ce que le Comité pour les droits inaliénables des Palestiniens à l’ONU ?

Ce forum a été organisé par le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. Ce Comité a été créé par la résolution 3376 de l’Assemblée générale des Nations-Unies le 10 novembre 1975, c’est-à-dire 2 ans après la guerre du Kippour en 1973.

https://www.palquest.org/en/historictext/9985/unga-resolution-3376-xxx

L’objectif de ce comité est de faire des propositions pour permettre au peuple palestinien d’exercer ses droits inaliénables : autodétermination sans influence étrangère, indépendance, souveraineté et droit au retour. Le comité dépose chaque année un rapport devant l’Assemblée générale.

III. Qu’est-ce que Ilan Pappé a dit au Forum le 17 mai 2018 à l’ONU ?

Les 17-18 mai 2018, le Comité pour les Droits des Palestiniens a organisé un Forum international avec une vingtaine de participant.es, au siège de l’ONU à New York sur le thème “70 ans après la guerre de 1948, quelles sont les leçons pour arriver à une paix juste et durable ?”

https://www.un.org/unispal/united-nations-forum-on-the-question-of-palestine-united-nations-headquarters-new-york

L’objectif était double : analyser les événements de 1948 en Palestine, désignés en arabe sous le nom de «Nakba» («catastrophe») et exposer les moyens de parvenir à un règlement juste et durable du conflit.

À l’issue des quatre table-rondes de ces deux jours, le consensus a été que les Palestinien.nes continuaient de souffrir des horreurs de la Nakba – dépossession, destruction de l’habitat, déplacement forcé et massif. Les participants au Forum pensaient que, pour qu’un processus de paix puisse aboutir, il fallait :

  • reconnaître pleinement la catastrophe de 1948,
  • amener Israël à répondre de ses crimes contre l’humanité,
  • garantir le retour des réfugié.es
  • et mettre un terme à l’occupation et à l’annexion de terres palestiniennes.

Ilan Pappé participait à la 1ère table ronde dont le thème était “Les événements de 1948”. Il a traité 4 points :

  • le rôle des Nations-Unies en 1947-1948,
  • le nettoyage ethnique organisé par les milices sionistes puis l’armée d’Israël en 1947-1948,
  • le  »mémoricide » ou meurtre de la mémoire pour effacer toute trace des Palestiniens,
  • les trois principes  »A » pour parvenir à la Paix : Acknowledgment, Accountability et Acceptance.

Les lectrices et lecteurs de Profession Gendarme trouveront ci-dessous la traduction de son exposé.

Jocelyne Chassard

Exposé du Pr. Ilan Pappé le 17 mai 2018 à l’ONU (New York).

(traduit de l’anglais par Jocelyne Chassard)

“Pour commencer je vais parler de cette organisation qui nous héberge, les Nations-Unies.

En février 1947, l’ONU a décidé de créer un comité spécial des Nations-Unies sur la Palestine, l’UNSCOP. Les 13 membres appartenant à des pays différents connaissaient très peu la question et beaucoup d’entre eux n’étaient jamais venus en Palestine auparavant.

C’est peut-être une des raisons qui les ont totalement empêché de comprendre la position des Palestiniens quant à l’intervention des Nations-Unies ou la position générale de la Ligue arabe sur la question palestinienne.

Dans tout le monde arabe il y avait des pays qui étaient sous mandat : l’Irak, la Syrie, l’Egypte, la Jordanie, le Liban. Ils attendaient leur indépendance qui devait arriver par le vote démocratique de la population de ces pays qui devaient décider de la nature et du caractère de ces nouveaux états arabes libérés.

Mais pour la Palestine, la simple idée que les Palestiniens devaient décider de leur propre futur n’a pas été acceptée par les Nations-Unies. Au lieu de cela, l’ONU a suggéré que le mouvement d’implantation sioniste – la plupart des colons juifs étaient arrivés en Palestine quelques années plus tôt seulement – ait le droit de participer à la négociation sur le futur de la Palestine.

Et même avant que l’assemblée générale des Nations-Unies n’adopte la résolution 181 le 29 novembre 1947, avant que cette résolution ne donne au mouvement sioniste plus de la moitié du pays, les Palestiniens avaient demandé aux Nations-Unies un processus de négotiation beaucoup plus long, pour qu’on puisse leur expliquer pourquoi leur droit à l’autodétermination était nié par l’organisation internationale.

La délégation des Etats-Unis a même proposé en février 1948 – et les Palestiniens étaient d’accord – que la Palestine soit sous curatelle pendant encore 5 ans, afin que la négociation puisse produire une idée plus juste de ce que serait la Palestine. Mais à cause des pressions du lobby juif aux Etats-Unis, le président Truman a cessé de soutenir cet accord de curatelle.

En février 1948, sans s’occuper de ce qui se passait ici aux Nations-Unies, les forces de la communauté juive de Palestine ont commencé ce que j’ai appelé dans mon livre en 2007, le nettoyage ethnique des Palestinens.

En avril 1948, la majorité de la population qui vivaient dans les villes palestiniennes ou dans des villes mixtes arabo-juives avait été expulsée ou forcée de partir : nous parlons de 150.000 Palestiniens qui vivaient dans des zones urbaines de Palestine et qui sont devenus des réfugié;;es, avant même que le mandat britannique sur la Palestine ne se termine le 15 mai 1948. Ces expulsions hors des villes s’accéléraient à cause de massacres de civils, le plus connu d’entre étant le massacre de Deir Yassin le 6 avril 1948.

Donc bien avant que la Ligue arabe ne décide d’intervenir le 15 mai 1948 en envoyant des forces militaires pour sauver les Palestiniens, il y avait déjà 250.000 Palestiniens réfugiés. C’est la présence de ces réfugiés dans des pays arabes qui a forcé leurs gouvernements à faire quelque chose, même si la plupart voyaient avec réticence une aventure militaire en Palestine.

Après la déclaration de l’état d’Israël le 15 mai 1948, pendant que les forces armées israéliennes combatttaient les contingents militaires arabes, le nettoyage ethnique a continué. Dans le nord, le centre et le sud de la Palestine, les villages palestiniens étaient ciblés avec une tactique qui avait était exposée dans un plan approuvé le 10 mars 1948 [le plan Daleth]. Le plan décrivait comment il fallait encercler les villages palestiniens, forcer les gens à partir et s’ils refusaient, les expulser par la force.

Le pire chapitre de la Nakba est survenu en octobre 1948, lors de l’opération Hiram que les Israéliens menèrent dans le nord de la Galilée. Ce sont des chefs de communautés juifs eux-même qui ont écrit dans leurs journaux personnels que ce que les Israéliens avaient fait en octobre 1948 n’était pas très différent de ce qu’avaient fait les Nazis pendant la secode guerre mondiale. Cette “opération Himar” a été la plus violente car les Palestiniens avaient compris ce qui les attendait : ils ont résisté avec force, ce qui a généré [chez les Israéliens] des crimes de guerre et des atrocités en plus du nettoyage ethnique en Palestine.

Ainsi, en 9 mois, la moitié des Palestinien.nes avait été expulsée, la moitié des villages palestiniens avait été démolis et la plupart des villes palestiniennes avaient été rasées.

En août 1948, les Israéliens avaient déjà commencé ce que j’appelle un “mémoricide”, un meurtre de la mémoire, afin d’effacer tout reste ou toute trace de l’existence des Palestiniens en Palestine. Ils construisaient les colonies et les implantations sur la terre des villages palestiniens détruits et souvent leur donnaient un nom hébreu qui ressemblait au nom arabe : Saffuriya est devenu Sifori, Lubya est devenu Lavi et ainsi de suite. L’idée était de faire croire que c’étaient d’anciens lieux bibliques : donc il n’y avait pas destruction de villages mais plutôt la rédemption et le retour de villages anciens.

Dans d’autres villages les Israéliens ont planté des forêts : 10.000 pins ont été importés d’Europe pour être plantés sur les villages palestinens détruits pendant la Catastrophe de 1948. En tant que membre de la seconde génération de colons, je peux vous dire que nous n’avons pas trop bien réussi sous le climat du Moyen-Orient et ce fut la même chose pour ces pins importés en Israël : beaucoup sont tombés malades et quand ils sont morts les anciens oliviers et vergers sont revenus sur cette terre qui avait été arabe et palestinienne.

Je vais conclure… Je vais conclure en disant que n’importe quel processus de paix ne devrait pas ignorer ce qui s’est passé en 1948, et pourtant jusqu’ici tous les processus de paix ont ignoré les événements de 1948. Je pense que tout processus de paix devrait reposer sur 3 principes que j’appelle les trois “A” :

  • Aknowledgment, c’est-à-dire Reconnaissance. C’est proprement incroyable que même les membres les plus importants des négociations interbationales sur la Palestine n’aient aucune connaissance de la Catastrophe de 1948 ;
  • le second “A” c’est Accountability, c’est-à-dire la Responsabilité. La période post-apartheid en Afrique du Sud nous a appris que la connaissance en elle-même ne suffit pas. Le seul moyen d’amener Israël à admettre sa responsabilité dans le nettoyage ethnique de la Palestine en 1948, qui est un crime contre l’Humanité, c’est de faire exécuter intégralement la résolution 194 votée par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 11 décembre 1948, qui déclare inaliénable le droit au retour des réfugiés palestiniens ;
  • le dernier “A” c’est Acceptance, c’est-à-dire Acceptation. Une fois obtenues la Reconnaissance et la Responsabilité, non seulement pour les crimes de 1948 mais aussi pour ceux qui ont eu lieu depuis, alors les Israéliens pourront demander aux Palestiniens et au monde arabe de les accepter comme une partie organique de la Palestine et du monde arabe, comme une part du Moyen-Orient, de ses problèmes et de ses solutions.

Merci.”

Vidéo originale sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=ldIfup1F8D4&pp=ygUraWxhbiBwYXBww6kgMjAxOCBvbnUgcGFsZXN0aW5lIFVOIGNvbW1pdHRlZQ%3D%3D

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