QU’ATTENDONS-NOUS ?

La liberté est vaine s’il n’est personne pour la défendre.

Ce texte provient d’un ami de « Placed’Armes », nous pouvons ne pas être totalement d’accord avec son analyse mais elle apparaît comme constructive et reflétant parfaitement l’état d’esprit actuel de nos concitoyens.

Gangrenée par une corruption sans frontières, la France sombre dans l’océan des aventures. Depuis cinquante ans, elle cède sur tous les fronts, perd toutes les batailles et n’en livre aucune. Vidé de sa substance, l’Etat se fissure, les institutions se délabrent, l’économie s’effondre, les valeurs se délitent, la société implose, la liberté se meurt, la violence est partout : on vole, on saccage, on viole, on drogue, on prostitue, on égorge, on réprime, on meurt de faim et de froid au pays des droits de l’homme. Impuissante, complice, l’opposition gesticule, dénonce, vocifère, injurie, s’agite, se renie, trahit et se dérobe ; le << citoyen >> s’émeut, s’indigne, proteste, signe des pétitions, envahit la rue, exhale sa colère et part en vacances, l’inconscience en paix, comme si les mots allaient changer le cours des choses et de l’Histoire. Paradoxalement en effet, le mouvement des << gilets jaunes >>, les << casserolades >>, les résaux sociaux, les faux débats, les joutes verbales, les pugilats de plateau, tiennent plus d’une culture récréative, d’un loisir à tonalité politique, que d’un engagement véritable. Car le citoyen se meurt, il ne s’engage plus, il ne creusera pas de tranchées pour défendre la république. Sans organisation, sans objectif concret, il emprunte la logique du ponctuel et du court terme quand la démocratie est un combat permanent, une guerre de mille ans. Le doute, dès lors, n’est plus permis : si la situation demeure en l’état, l’avenir est perdu.

Car l’homme << libre >> est coupable d’être innocent. Aliéné par l’Etat providence, nourri au lait stérilisé de l’abondance, ce nouvel opium du peuple, il s’est affranchi de ses devoirs et de ses responsabilités. Capricieux, égocentrique, il a tous les droits, il refuse les contraintes et les difficultés, sources de frustrations et de contrariétés ; il n’a pas de prochain, de voisin et de concitoyen, il ne croit en rien, ne s’investit dans rien, seule compte la satisfaction de ses désirs, au demeurant insatiables ; soulagé enfin de la liberté, épuisante et dépassée, il se soumet aux algorythmes et au prêt-à-penser, qui musèlent son intelligence. Avec la << mondialisation heureuse >>, il n’y a plus de valeur, de tolérance et de valeurs, plus de bien et de mal, de sens et de non-sens, d’avenir et de passé, le temps se décline au présent permanent : vivre est se laisser vivre, jouir ici et maintenant, consommer et s’étourdir, pour échapper à soi-même et à ses peurs, tromper son ennui et tuer le temps. Terré dans la fausse sécurité de ses quatre murs, le non-citoyen déconstruit le réel, réécrit l’Histoire, redessine le sexe des anges ; il allume des bougies, dépose des fleurs, organise des marches blanches, plante un arbre de paix au cri d’un << plus jamais ça >> pathétique et dérisoire. Prisonnier d’un univers fantasmé, il est une proie facile, chèvre ou brebis, quand il faut être lion et renard pour décourager les loups. En réduisant la société à une somme d’ego sans défenses, l’ << Occident >> se suicide.

La république ayant vécu, les nouveaux maîtres du monde, cruels, cupides et incultes, imposeront un rapport social fondé sur la violence à l’état pur. Cette perspective, pourtant, n’est pas une fatalité. Car le pouvoir n’est pas un instrument, un droit de propriété, dont les puissants useraient à discrétion ; il est une relation continue entre différents acteurs, un rapport de forces qui favorise les puissants et asservit les faibles. La servitude advient aujourd’hui parce que l’individu sujet – étymologiquement, le sujet est celui qui est soumis – consent à sa propre domination. Il n’y a donc pas d’alternative : pour juguler la barbarie qui vient, les hommes doivent s’unir, surmonter leurs différends et dénoncer, sans armes et pacifiquement, les fossoyeurs de la liberté. Dès 1940, en effet, Charles de Gaulle avait compris qu’on ne réforme pas de l’intérieur un appareil corrompu. Quand la république abandonnée abandonne les pauvres, organise la misère et l’exclusion, l’agir ensemble, qui est le pouvoir du peuple, devient l’arme légitime, l’instrument au service du droit quand la loi est hors-la-loi, elle est la transgression nécessaire, l’illégalité qui rompt la chaîne des illégalités. Il est des moments, en effet, où << on ne peut pas ne pas désobéir à la loi >> (Robert Paxton, LaFrancedeVichy, 1973), où rompre la légalité est l’exercice obligé de la démocratie directe. Il faut faire violence à la loi, sans haine et sans violence, pour que cesse la violence de la loi.

Sociopathe, corrompu, cynique et narcissique, le président de la république ne changera pas, il ne changera rien et rien ne changera. C’est dire que le Peuple politique doit renaître, recouvrer son Pouvoir et sa souveraineté. A peine d’échouer, il évitera les débordements, les jacqueries, les mutineries, les sabotages, le pillage, les attentats, les coups de force et les coups de poings, que le régime, dans une convulsion opportune, réprimera dans le sang. Les témoins du passé, aujourd’hui disparus, savaient l’importance des << petites guerres >> (guérillas)sans armes, même si on en minore aujourd’hui l’ampleur et les effets. Sait on encore qu’en février 1943, des femmes << aryennes >> ont occupé la Rosenstrasse de Berlin malgré la haine, les intimidations policières, l’indifférence et le froid, pour réclamer – et obtenir – la libération de leur mari juif condamné à la déportation ? Dans le Danemark occupé, la réserve, l’hostilité, la désobéissance de la population, l’évacuation de milliers de Juifs sans effusion de sang, figurent des pages remarquables de l’entraide et de la fraternité. En France, le primat des Gaule et d’autres prélats se sont élevés ouvertement, non sans succès, contre l’arrestation des Juifs ; le 6 juin 1943, des centaines de personnes ont envahi la gare de Montluçon, permettant à des jeunes d’échapper au service du travail obligatoire (S.T.O.). En ce temps-là, pourtant, l’exercice de la liberté était un crime passible de la mort. Mais, comme Gandhi, qui théorisa la désobéissance de masse, ils savaient qu’il n’y pas de liberté sans courage et sans volonté.

Que faire ? En s’inspirant de Germaine Tillion, internée à Ravensbrück, qui refusa la défaite (Jean Lacouture, Le témoignage est un combat, 2000), chercher un point d’appui, une porte, une adresse, tout ce qui << fait peuple >>, amis, familles, relations, groupements, associations, syndicats, paroisses, qui, chacun à sa manière, défendent les valeurs de l’humanité ; construire un noyau dans chaque rue, un socle, une phalange, essaimer de quartier en quartier, d’arrondissement en arrondissement, de ville en ville, jusque dans les campagnes, organiser et structurer un mouvement national ; éveiller les consciences, rallier les corps sains de l’Etat, de la justice aux armées, secouer l’apathie générale, reconstituer un tissu social, créer une solidarité organique, rendre vie à la citoyenneté, bâtir un projet nouveau, donner un sens à la vie, rendre l’espoir aux populations résignées ; sanctionner les media aux ordres, allumer des contre-feux, refuser les couvre-feux, investir partout l’espace public, vingt minutes par jour, six jours par semaine, en des lieux et à des heures différents. Sous des formes à inventer, perturber l’exercice du Pouvoir, déstabiliser le gouvernement, ignorer le président, dénoncer la trahison des clercs, des élites et des élus, condamner les imposteurs, les voyous et les va-t-en-guerre qui réclament des avions, des canons, des chars et de la chair, pour assassiner des innocents. Il faut vaincre ses peurs, sortir de chez soi, reprendre possession de l’agora, avant d’être enfermé à jamais au nom de la sécurité et de la liberté. Et il faudra tenir et ne jamais céder, malgré la haine, les intimidations policières, l’indifférence et le froid.

L’humanité est en danger de mort, seul, le peuple politique peut encore la sauver. Certes, l’entreprise est périlleuse. Elle impose d’affronter les politiciens retors, les bureaucrates aux ordres et les courtisans de cour, les chiens de garde et les thuriféraires du Pouvoir, journalistes à gages, courtisans subventionnés ou gardes-chiourme de la pensée. Comme un seul homme, ils décèleront dans ces lignes une position << forcément >> d’extrême droite, une menace pour l’ordre public, une incitation à la révolte et au soulèvement, la nostalgie exaltée d’un passé dépassé, une allergie pathologique à l’Ordre nouveau du nouveau monde. Et pour cause : dans l’Europe globale, comme dans le troisième Reich, l’homme doit renoncer à être, courber l’échine, ramper, se soumettre et obéir. Il lui appartient donc, à peine de disparaître, de reprendre le Pouvoir et d’assumer sa destinée. Et il y a urgence.

Charles-Christian BOUVIER,

citoyen de l’ombre.

ch************@ya***.fr

Source : Place d’Armes

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