Révélation explosive sur Fayaoué
Le commandement de la Gendarmerie en Nouvelle-Calédonie a-t-il tenté de cacher, en 1988, qu’il n’avait pas donné de consignes de fermeté aux brigades du territoire ? Selon le lieutenant-colonel (ER) Henri Calhiol, le document énumérant ces mesures serait antidaté. En avril 2018 déjà, il assurait dans L’Essor que ces consignes n’avaient jamais été diffusées aux unités, dont la brigade de Fayaoué, où quatre gendarmes ont été tués.
Pendant quinze ans, avec ténacité, Henri Calhiol, fort de son expérience d’enquêteur judiciaire, d’officier de renseignement et de chercheur amateur, a accumulé les découvertes. Elles remettent en cause la version officielle de l’attaque de Fayaoué, en avril 1988. Il assure que des ordres « jamais diffu-sés, et peut-être antidatés, ont été archi-vés au Comgend de Nouméa ».
Un travail pour la mémoire des gendarmes
Il vient de boucler son travail, qu’il va déposer aux Archives de la Nouvelle-Calédonie et au Service historique de la Défense (SHD) à Vincennes. Sa contribution à caractère historique (« Fayaoué, 22 avril 1988, ground zero de l’Affaire d’Ouvéa ») est un travail rigoureux de 250 pages, avec des centaines de notes explicatives, appuyé sur de nouveaux témoignages de première main et des documents officiels inédit. En sept chapitres, il replace l’affaire dans le contexte envenimé des « années de cendres », où le commandement local de la gendarmerie d’alors s’est, dit-il – comme d’autres et non des moindres avant lui –, « déconsidéré par sa servilité envers le Haut-Commissaire, au détriment de l’intérêt moral et de la sécurité de ses propres hommes ». Ils sont devenus « des soldats abandonnés dans des circonstances où la responsabilité de la Direction de la Gendarmerie n’a jamais été suffisamment dénoncée ». Jusqu’à présent, la vérité officielle sur Fayaoué était simple : il s’agissait d’un fiasco militaire (4 gendarmes tués, 27 pris en otages, le stock d’armes de guerre emporté par les indépendantistes), dû à une attaque surprise de la brigade de Fayaoué, isolée et vulnérable, occupée à deux reprises auparavant par des militants indépendantistes. L’assaut de la brigade débouchera sur l’affaire sanglante de la grotte d’Ouvéa (21 morts). Et la responsabilité du drame retombera finalement sur les exécutants. Et, plus précisément, sur les gendarmes mobiles qui avaient la charge de protéger cette brigade fragile. Des médias avaient très rapidement relevé la négligence de gendarmes mobiles, « grisés par l’ambiance paradisiaque de l’atoll et grands amateurs de langoustes ».
Les mobiles, insiste Henri Calhiol, « allaient devoir vivre avec cette flétrissure qui entachait leur honneur de militaires ». Et ce, alors qu’« ils étaient et sont pour toujours psychiquement traumatisés par la violence qu’ils avaient doublement subie », lors de l’attaque de la brigade de Fayaoué, puis lors de leur captivité dans des grottes.
Trois nouvelles révélations
Henri Calhiol éclaire l’attaque de Fayaoué d’un jour nouveau, avec trois révélations :
- D’abord, contrairement aux affirmations officielles, les renseignements accumulés au niveau du Comgend depuis des semaines ne laissaient aucun doute sur la menace : il fallait s’attendre à des attaques de brigades avec prises d’otages de gendarmes, pour négocier auprès du gouvernement l’abandon de la tenue, dans le territoire, du scrutin présidentiel du 24 avril 1988, alors que sont en lice François Mitterrand, président sortant, et Jacques Chirac, son Premier ministre. Un contexte politique ultrasensible, donc (l’assaut de la grotte de Gossanah se déroulera d’ailleurs entre les deux tours de la présidentielle).
- « Malgré l’évidence de la menace » sous-tendue par des renseignements nombreux et convergents, comme le démontre Henri Calhiol, « on décidera délibérément de ne pas en prévenir ceux du terrain, et on s’abstiendra volontairement de durcir les dispositifs de défense en place, voulus soft jusqu’alors ». Une décision « contraire à la raison et porteuse de risques incalculables », assure l’ancien officier, qui dénonce « la complaisance du commandement, une constante des années 80 » (mis à part la brève parenthèse du général Jean-Louis Deiber, au début de 1985, « dont la fermeté appuyée sur le sens de l’honneur lui vaudra un renvoi au bout de trois mois », l’indépendantiste Eloi Machoro ayant entre-temps été tué par le GIGN).
- Le Comgend de 1988 à son tour « céda lâchement aux attentes déraisonnables du gouvernement, relayées par le Haut-Commissaire ». A l’approche de la délicate élection présidentielle, il ne fallait surtout pas prendre des initiatives guerrières de nature à irriter le Front de libération Kanak (FLNKS) ou à générer des incidents avec les armes qui auraient été exploitables politiquement
Les brigades laissées délibérément grandes ouvertes
Dès lors, poursuit Henri Calhiol, « non seulement on ne préviendra pas ceux du terrain de la menace mortelle qui les visait, mais on choisira délibérément de laisser les brigades grandes ouvertes au public ». Plus grave encore, ajoute-t-il, « on n’ordonnera aucun durcissement du dispositif défensif, qui continuera à afficher de jour des mesures a minima voulues comme telles par le commandement ». Ainsi, les futurs assaillants ne verront-ils au cours de leurs reconnaissances qu’une seule sentinelle armée d’un pistolet automatique, l’essentiel du lourd armement militaire de dotation étant enfermé à clé dans la soute, ce qui les incitera à passer à l’action.
Les militants kanaks pénétreront donc sans difficulté sur le site. Pourtant, les gendarmes opposeront une résistance courageuse, « relevant parfois de l’héroïsme, mais ils n’en seront jamais récompensés, bien au contraire ».
La responsabilité du commandement « fut soigneusement tue, au profit d’un prétendu effet de surprise imparable, thèse officielle de la Direction générale, combinée à une soi-disant négligence notoire des gendarmes mobiles ».
Quelle fut la part de responsabilité de la Direction de la Gendarmerie d’alors, s’interroge l’ancien officier, dans cette vérité officielle « qui allait causer tant de torts aux survivants et à la mémoire des tués ? »
L’auteur remarque que cette Direction « se garda bien, contre toute attente et alors que cela s’imposait à l’évidence », de prescrire une enquête de commandement, une procédure imposée par la gravité des faits et par leurs conséquences politico-militaires. C’est l’une des anomalies importantes de l’affaire.
Un document mensonger
Henri Calhiol fait enfin une révélation majeure autant qu’incroyable, appuyée sur des preuves qu’il énumère et détaille. Une enquête de commandement qui aurait visé toute la chaîne hiérarchique, depuis le Comgend jusqu’au dernier des gendarmes mobiles impliqués, aurait assurément révélé ce qu’il a découvert trente ans après les faits : « On archiva au Comgend de Nouméa des ordres jamais diffusés, peut-être même antidatés ». L’existence de ces ordres fut évoquée par le Haut-Commissaire au ministre de l’Outre-mer Bernard Pons, dépêché sur place en urgence. Pour résumer le point de vue du ministre : les ordres pour durcir les dispositifs défensifs avaient bien été donnés, mais les exécutants ne les avaient pas respectés.
Henri Calhiol est parvenu à retrouver non sans mal ce document mensonger, qu’il publie dans ses annexes (lire ci-dessous).
Un ancien ministre abusé
Fort de cette accusation infondée, Bernard Pons, ancien ministre de l’Outre-mer, ira jusqu’à « houspiller honteusement » à Fayaoué les premiers otages libérés, encore traumatisés, avec ces mots injurieux :
« A quoi on vous paye ? A prendre la douche ? » Quelques mois plus tard, il déclarera dans une interview à « Aspects de la France », le 22 septembre 1988 : « Le peloton de gendarmerie mobile qui avait été envoyé en renfort à la brigade territoriale, et qui avait été mis en alerte zéro à la suite de l’attaque de la gendarmerie de Poindimié, n’avait pas appliqué les consignes. C’est ainsi que le guet-apens de Fayaoué a pu se dérouler, que quatre gendarmes ont été massacrés à l’arme blanche et par armes à feu et deux autres très grièvement blessés. »
Selon Henri Calhiol, le ministre trompé « rendait ignominieusement et publiquement coupables les gendarmes survivants de la mort de leurs propres camarades ». « Qui rendra désormais leur honneur aux rescapés et aux tués ? » s’interroge pour finir Henri Calhiol.
P.-M.G
Source : UNPRG-NC
A lire également : Hérodote.net – 22 avril 1988 Attaque d’une gendarmerie à Ouvéa ; Paris sous tension
Appel à témoin : Décès en service
Je cherche des témoignages sur l’accident mortel survenu en Nouvelle-Calédonie le 07 septembre 1989 dans lequel le gendarme mobile Thierry DEVIN, de la légion de gendarmerie de Bretagne à perdu la vie (rien dans la presse à l’époque)
Vous pouvez me contacter à l’adresse suivante : he***********@or****.fr
L.C. (e.r. Gend) Henri Calhiol,
Président honoraire de l’UNPRG-NC-V
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