Les ARS : vers la soviétisation de la santé publique ?
L’épidémie de coronavirus frappe très durement le pays. A l’heure où ces lignes sont écrites, on dénombre 10869 décès pour 82048 cas déclarés, soit un taux de mortalité de 13,2 %. A titre de comparaison, on constate au même moment en Allemagne un taux de mortalité de 2 % pour 115 523 cas déclarés. Si en l’état actuel des choses, les causes de cette étonnante disparité ne sont pas toutes encore décelées, les instructions des ARS paraissent être des facteurs d’errements non négligeables.
L’organisation de la santé en France repose sur les ARS (Agence Régionales de Santé) créées par la loi HPST en 2010. Elles se sont vues attribuer des compétences très élargies par rapport à celles des ARH (Agence Régionales d’hospitalisation) auxquelles elles ont succédé. Elles ont désormais comme missions officielles de moderniser et de rationaliser l’offre de soins en veillant à la bonne gestion des dépenses hospitalières et médicales. Leur champ d’action couvre non seulement le secteur public mais également toute l’activité médicale ou paramédicale libérale, toute ouverture ou fermeture de lits ou de structures de soins étant soumise à son aval, et s’étend aussi au médico-social, notamment aux EHPAD gérés conjointement avec les conseils départementaux. En théorie, ces agences doivent aussi s’investir dans l’épidémiologie et la prévention, domaines où la France a un gros retard.
Chaque ARS a à sa tête un directeur, nommé par le gouvernement, presque toujours issu de l’ENA et de l’EHESP de Rennes, après un parcours dans lequel l’implication politique (parti socialiste notamment) est très fréquente. Ce cursus est très éloigné de la médecine, d’autant plus que ce directeur dispose d’un conseiller n’ayant plus exercé auprès de patients depuis la fin de ses études médicales et dont les compétences se résument à l’informatique, la statistique et l’économie de la santé. On a donc un tandem hors sol, directement dépendant du ministère qui fixe les objectifs. Ceux-ci se déclinent localement par l’intermédiaire d’un PRS (Projet Régional de Santé) élaboré après « concertation » avec les divers acteurs de terrain mais constituant un cadre technocratique rigide et de fait non négociable.
Le dogmatisme technocratique de ces structures est manifeste lorsqu’on analyse les fameux GHT (Groupements Hospitaliers de Territoire) censés être la pierre angulaire de la prise en charge de la santé en France et dont la mise en place semble être une des fiertés des ARS. Regroupant de façon totalement hétéroclite des structures parfois fort éloignées tant géographiquement que fonctionnellement, ils n’intègrent aucune structure privée ! Comment peut-on imaginer définir un schéma cohérent de prise en charge de la population en faisant abstraction des cliniques privées qui assurent par exemple à elles seules 70% de l’activité de chirurgie ambulatoire ? Et que dire des médecins « de ville », généralistes ou spécialistes, absents de toutes les procédures décisionnelles ? Pourtant, la tutelle, dans ses innombrables recommandations en rapport avec l’épidémie COVID, rappelle à l’envi que tout patient suspect d’infection doit impérativement se présenter d’abord chez son médecin généraliste…Et que dire de la situation actuelle de certaines cliniques auxquelles il a été donné l’ordre de cesser toute activité non urgente alors que leurs lits de réanimation sont désespérément vides, les patients étant dirigés de façon prioritaire vers les établissements publics pour certains totalement débordés.
Dès leur nomination, les directeurs d’ARS ont comme objectif de diminuer par tous les moyens les dépenses de santé dans leur région (leur profil de carrière en dépend) et font pression sur les directeurs des hôpitaux, tous placés en état de subordination. Il faut savoir en effet que l’ARS est habilitée à se substituer à la direction d’un établissement (y compris d’un CHU) dès lors que son budget s’avère déficitaire ! Inutile de chercher plus loin la raison de ces innombrables fermetures de lits. La priorité budgétaire a éclaté dans sa tragique évidence quand, au plus fort de l’épidémie, l’ARS Grand Est a annoncé des fermetures supplémentaires de lits ! Le Directeur a été brutalement limogé pour faire taire la fronde, mais son annonce était hautement significative. Quant aux praticiens de santé, étant totalement écartés des procédures décisionnelles depuis la création des ARS, ils sont impuissants à se faire écouter et ils assistent, découragés, à l’effondrement du système de santé. Par ailleurs, même leurs nominations, domaine normalement réservé, sont de plus en plus remises en question par les directeurs d’hôpitaux et l’ARS. C’est le régime de la terreur qui s’est installé… C’est aussi la porte ouverte à un syndicalisme de l’extrême avec un personnel paramédical tenté par des actions parfois violentes et forcément contre-productives.
Ainsi d’un côté les ARS étranglent le secteur public hospitalier vers lequel elles dirigent pourtant tous les malades contaminés, et de l’autre elles négligent le secteur privé dont il est clair qu’il va grandement souffrir des pertes de recettes liées au confinement sans espérer la moindre compensation de la part de l’Etat. Des laboratoires privés se sont même vus interdire par l’ARS la réalisation de tests de dépistage, cela sans explication. Il faut également noter, pour ce qui concerne le délaissement du secteur privé, que la fourniture de masques de protection se fait au compte-gouttes et qu’ils sont prioritairement affectés au secteur public.
Sur le plan épidémiologique, il est affligeant de constater qu’il est impossible de connaître le nombre de cas dans les EHPAD alors qu’elles sont placées sous la tutelle des ARS ! Plus généralement, dans la population, et même si la décision prise de ne pas pratiquer de dépistage massif en est une des causes, le nombre affiché de patients contaminés est totalement sous-évalué. D’après MG France, syndicat de médecins généralistes, il se situerait autour de 1,5 millions de cas alors que selon les ARS, soi-disant compétentes en épidémiologie, il y en aurait moins de 100 000 ! On comprend mieux alors la différence de chiffres entre l’Allemagne et la France. S’il y a autant de morts en France, c’est avant tout parce qu’il y a beaucoup plus de sujets contaminés (…et contaminants).
Il faudra bien sûr s’interroger sur la pertinence des orientations prises par l’Etat dès le début de l’épidémie, aboutissant à cette situation de confinement général quand des dépistages massifs auraient pu permettre des confinements sélectifs. On peut d’ores et déjà affirmer, pour ce qui concerne les ARS, qu’elles ne jouent pas leur rôle alors même que chaque ARS dispose en moyenne de 500 salariés et d’un budget annuel de plusieurs dizaines de millions d’euros.
La santé publique ne peut pas être gérée par une technocratie hors sol uniquement préoccupée de bilans financiers. La preuve scandaleuse en est faite.
VPF
Source : Volontaires Pour la France
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