Angela Merkel demande pardon : impensable en France !
Des politiques qui admettent leurs erreurs ? Ça existe. Surtout ailleurs
Rien n’est plus noble que la fonction politique lorsqu’elle se consacre à l’amélioration du destin d’un peuple. Rien n’est plus lamentable aussi, lorsque son but premier n’est plus celui-ci. Forcément, la fonction politique est indissociable de la personnalité qui en a la charge, qui l’incarne.
Il n’est d’ailleurs pas facile de classifier les politiciens dans un camp ou dans l’autre. Ce sont souvent les circonstances qui permettent de distinguer ceux qui sortent du lot, en matière de noblesse de comportement, ou de son contraire. Sans pour autant forcer les stéréotypes, il existe également des pays voire des cultures qui favorisent plutôt l’un, ou plutôt l’autre.
Angela Merkel et la culture anglo-saxonne
Ce mercredi, Angela Merkel a ouvertement déclaré s’être trompée dans sa décision de restrictions renforcées pour les fêtes de Pâques :
« Cette erreur était uniquement la mienne… Elle doit être reconnue comme telle et surtout corrigée »…
Summum de l’humilité, la chancelière a conclu son intervention télévisée par une phrase que nous ne sommes pas habitués à entendre chez nous en France :
« Je regrette profondément et pour cela, je demande pardon à tous les citoyens. »
Quelques semaines plutôt, Angela Merkel se reprochait de ne pas avoir su convaincre les länders d’adopter les restrictions qu’elle recommandait, en se gardant bien de leur mettre sur le dos la flambée de cas de covid-19 et de décès que l’Allemagne a connue depuis octobre 2020.
Humilité, simplicité, abnégation… ce sont des qualités qui forcent le respect. Des qualités qui sont si rares chez nous, au sommet de l’État.
« C’est un leader politique en qui je peux avoir confiance » avait dit à peu près en ces termes Barack Obama à propos d’Angela Merkel, leader qu’il qualifiera plus tard, dans ses mémoires, de « stable, honnête, intellectuellement rigoureux et instinctivement gentil » (BBC news 21/11/20).
De toute évidence, un tel comportement ne peut s’expliquer que par une conjonction de facteurs, parmi lesquels, sans préjuger de leur importance respective, le fait d’être fille de pasteur, d’avoir une formation hautement scientifique, et d’être issue de la culture protestante anglo-saxonne dont on sait combien elle implique un certain nombre de valeurs1.
Loin de généraliser et de conclure à une éventuelle supériorité de la culture anglo-saxonne et/ou protestante2, car il existe aussi de nombreux contre-exemples, on constate toutefois qu’il existe des représentants d’une pareille éthique en Angleterre.
Dans ce pays, un homme politique en situation d’échec se retire immédiatement du jeu : David Cameron démissionne dès le lendemain du référendum sur le Brexit, Theresa May (une autre fille de pasteur soit-dit en passant) abandonne face au rejet de sa politique de mise en œuvre du Brexit.
Son engagement « Je servirai comme Premier ministre aussi longtemps que vous voudrez de moi » n’était pas un vain slogan publicitaire. Comment ne pas deviner, derrière de telles réactions, une sorte de sens du devoir et de profond respect de l’électeur ?
La haute fonction publique et la culture française
Comparativement à certains de nos hommes politiques, le contraste est si flagrant qu’il est difficile de résister au plaisir de citer quelques-uns des échantillons qui nous sont offerts. L’auteur de ces lignes se limitera aux trois derniers présidents de la république et à l’avant-dernier Premier ministre. Dont acte :
« Nous n’avons pas à rougir de notre bilan. Des dizaines de milliers de vies ont été sauvées par nos choix, par nos actions » (Est Républicain 14 juin 2020) dixit Emmanuel Macron malgré les mensonges et l’inaction gouvernementale en matière de masques et de tests, tandis que les chiffres de mortalité étaient déjà huit fois supérieurs à la moyenne mondiale.
« Je suis toujours très prudent quand je compare les chiffres » dixit Édouard Philippe lors de son audition à l’Assemblée nationale face à la question de comprendre pourquoi les Allemands avaient quatre fois moins de morts que nous et pourquoi nous ne pratiquions pas de tests alors qu’ils le faisaient à très grande échelle (PublicSenat 2 avril 2020). « Sous-estimation du risque », « pilotage défaillant de la crise », une France « mal armée » avait pourtant conclu la commission de l’Assemblée nationale huit mois plus tard (France Culture 12 décembre 2020).
Plus anciennement, François Hollande répétait à qui voulait l’entendre : « Sous mon prédécesseur, le chômage a augmenté d’un million, depuis mon arrivée, c’est 600 000 » en omettant l’une des trois catégories de chômeurs. En comparant les chiffres réels et comparables, non seulement les 600 000 étaient en deçà de la réalité mais le total était proche du double et clairement pire que les chiffres du prédécesseur en question (Figaro 12 juillet 2016).
Dernier exemple justement : Nicolas Sarkozy. L’ex-président a-t-il vraiment abandonné l’espace politique après sa nette éviction de 2012 ? Certainement pas si l’on considère ses régulières tentatives d’alliance avec Emmanuel Macron et celles de ses amis (Estrosi, Muselier et Coppé) de fausser le jeu démocratique en essayant de détruire des personnalités émergentes telles que Bruno Retailleau au sein de LR. L’ex-président considèrerait-il que l’action politique est une rente qui lui est allouée ad vitam aeternam, ceci indépendamment de l’avis des électeurs et de l’intérêt du pays ?
Telle est l’expérience qui est la nôtre, nous Français, habitués à supporter une classe politique dont de nombreux hauts représentants ne se trompent jamais, n’avouent bien évidemment jamais leurs erreurs, falsifient même parfois leur bilan pour en masquer les points faibles, et ne se retirent que très difficilement du jeu politique, quels que soient leurs résultats passés, leurs chances de se faire réélire ou leur toxicité dans le débat démocratique.
Là aussi, les causes sont multiples. À l’origine latine et catholique de notre pays s’est ajoutée une pulsion hyper centralisatrice et administrative, elle-même décuplée par une belle dose de nostalgie marxiste que distillent depuis l’après-guerre l’Éducation nationale, la plupart des partis politiques et la majorité des médias. Cerise sur le gâteau, la création de l’École Nationale d’Administration est venue parachever le tableau en officialisant la mise en place d’un système de recrutement de l’élite politique basé sur un profil technocratique tenu soigneusement éloigné des compétences exigées par ailleurs dans le monde hyper compétitif et ouvert de l’entreprise.
Cette façon dont se perpétue ce que Pierre Bourdieu nommait la « noblesse d’État » était dénoncée depuis longtemps par Michel Crozier. Celui-ci fustigeait la « sélection de l’élite politique » de l’Hexagone. Hélas, rien n’a changé depuis. L’absence d’excuses ou ne serait-ce que des aveux d’inefficacité3 de cette caste endogame n’est que le fruit de ce processus de sélection unique, à l’abri de toute concurrence et donc peu perméable à la remise en question…
Source : Contrepoints.oeg
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